Chapitre 4 - Motifs de persécution - Lien

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  1. 4.1. Généralités
  2. 4.2. Race
  3. 4.3. Nationalité
  4. 4.4. Religion
  5. 4.5. Groupe social
  6. 4.6. Opinions politiques
  7. 4.7. Victimes de criminalité et lien avec les motifs
  8. 4.8. Guerre civile et autres conflits fréquents
    1. 4.8.1. Généralités
    2. 4.8.2. Deux méthodes : comparative et non comparative
  9. 4.9. Persécution indirecte et unité de la famille

4. Motifs de persécution - Lien

4.1. Généralités

La définition de « réfugié au sens de la Convention » prévoit que le demandeur d'asile doit craindre avec raison d'être persécuté « du fait » de l'un des cinq motifs énumérés, soit la race, la religion, la nationalité, l'appartenance à un groupe social et les opinions politiques. Un lien doit être établi entre la crainte de persécution et l'un de ces cinq motifsNote 1.

La persécution peut être motivée par plus d’un motif ou facteur. Le lien est établi lorsqu’au moins une des motivations repose sur un motif prévu par la Convention. Ce que nous appelons « doctrine des motifs mixtes » est expliqué ainsi :

[…] Si l’un des motifs de l’agent de persécution est la race, mais uniquement en combinaison avec un autre facteur, comment une telle situation ne pourrait-elle pas permettre de répondre aux exigences de l’article 96 de la LIPR? Après tout, l’article 96 de la LIPR, tel que rédigé, ne doit pas recevoir une interprétation restrictive et étroite : comme je l’ai souligné, il porte sur la crainte d’être persécuté et la protection de quiconque fait l’objet de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques […]Note 2

Autrement dit, le lien nécessaire peut exister lorsqu’un (ou plusieurs) des motifs énoncés dans la Convention constitue un facteur qui contribue à la persécution. Par exemple, les extorqueurs, dont les motifs sont de nature criminelle, peuvent cibler des personnes dont la race, la religion ou les opinions politiques présumées les rendent moins susceptibles d’être en mesure d’avoir accès à une protectionNote 3 .

Les questions pertinentes dans l’analyse au titre des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR) sont différentes. En particulier, dans l’affaire AlhezmaNote 4 , la Cour a souligné que l’analyse comparative qui peut être faite en regard de l’article 97 ne fait pas partie de l’analyse prévue pour la persécution fondée sur un motif énoncé dans la Convention :

De toute évidence […], la SPR, dans son analyse en vertu de l’article 96, cherchait un degré de risque personnel pour [la demandeure d’asile] qui dépassait le risque pour les Palestiniens en général. Une telle approche convient dans le cas d’une analyse en vertu de l’article 97. La question n’est pas de savoir si [la demandeure d’asile] est plus à risque qu’une autre personne, mais de savoir si la persécution à laquelle elle ferait face à son retour en Cisjordanie se fonde sur un motif de la Convention, qui justifierait le statut de réfugié […]

Il appartient à la Section de la protection des réfugiés (SPR) de déterminer quel motif, s’il en est, s’applique à la crainte de persécution du demandeur d’asileNote 5 , ce qui est compatible avec son obligation générale d’établir que le demandeur d’asile est ou non un réfugié au sens de la Convention. Lorsque le demandeur d’asile invoque un ou plusieurs motifs qui, selon lui, s’appliquent à sa demande d’asile, la SPR n’a pas à s’en tenir à ces seuls motifs, mais doit prendre en considération ceux qui ressortent de la preuve, au moment de se prononcer sur la demande d’asileNote 6 . Cependant, une fois que la SPR a conclu que la crainte du demandeur d’asile se fonde sur l’un des motifs prévus dans la définition, elle n’a pas à prendre en considération les autres motifs.

Pour déterminer quels sont les motifs qui s’appliquent, il faut tenir compte de la perception du persécuteur. Celui-ci peut considérer que le demandeur d’asile est d’une race, d’une nationalité, d’une religion ou d’un groupe social ou qu’il a certaines opinions politiques, et le demandeur d’asile peut s’exposer à une possibilité raisonnable d’être persécuté à cause de cette perception. Il n’est pas nécessaire que celle-ci soit conforme à la réalitéNote 7 .

Il y a lieu de consulter les directives intitulées Revendicatrices du statut de réfugié craignant d’être persécutées en raison de leur sexe émises par la présidente en vertu du paragraphe 65(3) de la Loi sur l’immigration, mises à jour le 25 novembre 1996 et demeurées en vigueur à partir du 28 juin 2002 en vertu du pouvoir accordé à l’alinéa 159(1)h) de la LIPR, dans lesquelles les motifs sont analysés en fonction de la persécution fondée sur le sexe Note 8.

Il y a aussi lieu de consulter les Directives numéro 9 du président : Procédures devant la CISR portant sur l’orientation sexuelle, l’identité de genre et l’expression de genre, directives données par le président en application de l’alinéa 159(1)h) de la LIPR, le 1 mai 2017, au moment d’examiner les demandes d’asile liées à l’orientation sexuelle, à l’identité de genre et à l’expression de genre.

Il ne peut être exigé des demandeurs d’asile qu’ils renoncent aux croyances qui leur sont chères ni qu’ils s’abstiennent d’exercer leurs droits fondamentaux pour éviter la persécution ou qu’ils agissent ainsi par défaut pour pouvoir vivre en sécurité. C’est précisément pour éviter un tel résultat que les États parties ont signé la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiésNote 9.

4.2. Race

Aucune décision rendue jusqu’à maintenant par la Cour fédérale n’analyse en détail ce motif de persécution. Il faut donc consulter à cet égard le Guide du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), aux paragraphes 68 à 70. Selon le Guide, « la notion de race doit être prise dans son sens le plus large et inclure l’appartenance aux différents types de groupes ethniques qui, dans le langage courant, sont qualifiés de "race" » (paragraphe 68)Note 10.

La Cour d'appel a statué que lorsque la race est l'un des facteurs qui permettent de définir un groupe auquel le demandeur d'asile appartient (et que cette appartenance est le fondement de sa crainte d'être persécuté), alors le motif de la persécution est la race. Il est inutile de tenir compte des autres motifsNote 11. Le fait de ne pas tenir compte de la race lorsqu’il est avancé qu’il s’agit d’un motif de persécution constitue une erreurNote 12.

La Commission commet une erreur lorsqu’elle ne tient pas compte de la question de savoir si un demandeur d’asile serait devenu une « cibles faciles » de persécution aux mains de criminels, en raison du racisme de la police envers les personnes de la même origine ethnique que luiNote 13.

4.3. Nationalité

Les paragraphes 74 à 76 du Guide du HCR traitent de ce motif. Le Guide souligne que le terme « nationalité » dans ce contexte ne doit pas s'entendre seulement au sens de « citoyenneté », mais qu'il désigne également l'appartenance à un groupe ethnique ou linguistiqueNote 14. Suivant le Guide, ce terme peut recouvrir certains aspects de la notion de « race ».

Dans l’arrêt HanukashviliNote 15 , la Cour, citant Lorne Waldman, a fait remarquer la différence qui existe entre la « nationalité » comme motif et la « nationalité » désignant la citoyenneté. Quand le mot « nationalité » est utilisé comme l’un des cinq motifs, il n’équivaut pas au mot « citoyenneté »; toutefois, il a le même sens que le mot citoyenneté dans la définition de « réfugié au sens de la Convention » énoncée au paragraphe 2(1) de la Loi sur l’immigration ou à l’article 96 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

Un demandeur d’asile peut être exposé à un risque du fait de sa race ou de sa nationalité, s’il a des origines ethniques mixtes. Il est retenu depuis longtemps qu’il n’est pas raisonnable de s’attendre à ce qu’un demandeur d’asile refoule des aspects innés de son identitéNote 16.

4.4. Religion

La persécution fondée sur la religion du demandeur d’asile peut revêtir de nombreuses formesNote 17. La liberté de religion comprend le droit de manifester sa religion, tant en public qu'en privé, par l'enseignement, les pratiques, le culte et l'accomplissement de ritesNote 18. Dans le contexte des demandes d'asile présentées par des chrétiens de la Chine, la Cour fédérale a rejeté la proposition selon laquelle les besoins religieux d'un demandeur d'asile peuvent être comblés en fréquentant une église approuvée par l'État. Il n'appartient pas au tribunal de décider de la façon dont un demandeur d'asile devrait pratiquer sa religion ni du lieu où il devrait le faireNote 19. La religion peut prendre différentes formesNote 20. Comme pour les autres motifs énoncés dans la Convention, la perception de l'agent de persécution constitue l'élément pertinentNote 21.

La Cour suprême du Canada, dans une affaire liée à la Charte concernant la liberté de religion, a défini la religion de la manière suivante :

Une religion s'entend typiquement d'un système particulier et complet de dogmes et de pratiques. En outre, une religion comporte généralement une croyance dans l'existence d'une puissance divine, surhumaine ou dominante. Essentiellement, la religion s'entend de profondes croyances ou convictions volontaires, qui se rattachent à la foi spirituelle de l'individu et qui sont intégralement liées à la façon dont celui-ci se définit et s'épanouit spirituellement, et les pratiques de cette religion permettent à l'individu de communiquer avec l'être divin ou avec le sujet ou l'objet de cette foi spirituelleNote 22.

L’affaire KassatkineNote 23 concernait une religion dont l’un des principes était le prosélytisme public. Dans ce cas là, le prosélytisme était contraire à la loi. La Section de première instance de la Cour fédérale a affirmé ce qui suit :

Une loi qui exige qu'une minorité de citoyens enfreignent les principes de leur religion […] est manifestement persécutrice. Tant, pourrait-on ajouter, que ces principes religieux ne sont pas déraisonnables; ce serait le cas, par exemple, si l'on exigeait comme sacrement de pratiquer des sacrifices humains ou de consommer une drogue interdite.Note 24

Certaines affaires ont porté sur la question de la persécution des ahmadis, un groupe religieux du Pakistan, et sur l’application de l’Ordonnance XX. Une décision de la Section d’appel des réfugiés sur ce sujet a été décrétée comme guide jurisprudentielNote 25 . Pour une analyse complète du guide jurisprudentiel et de la jurisprudence sur la portée de l’application de l’Ordonnance XX, voir le chapitre 9.

On peut consulter également le Guide du HCR, aux paragraphes 71 à 73.

4.5. Groupe social

Dans l'arrêt Ward, la Cour suprême du Canada a fourni un élément d'interprétation quant à la portée du motif de « l'appartenance à un groupe social ». Voici ce qu'a dit monsieur le juge La Forest :

Le sens donné à l'expression « groupe social » dans la Loi devrait tenir compte des thèmes sous-jacents généraux de la défense des droits de la personne et de la lutte contre la discrimination qui viennent justifier l'initiative internationale de protection des réfugiésNote 26.

La Cour suprême a ajouté que les critères proposés dans les affaires MayersNote 27, CheungNote 28 et Matter of AcostaNote 29 permettent d'établir une « bonne règle pratique » en vue d'atteindre le résultat susmentionné et établissent trois catégories possibles de groupes sociaux :

  1. les groupes définis par une caractéristique innée ou immuable;
  2. les groupes dont les membres s'associent volontairement pour des raisons si essentielles à leur dignité humaine qu'ils ne devraient pas être contraints à renoncer à cette associationNote 30;
  3. les groupes associés par un ancien statut volontaire immuable en raison de sa permanence historiqueNote 31.

La Cour a dit en outre ce qui suit :

La première catégorie comprendrait les personnes qui craignent d'être persécutées pour des motifs comme le sexe, les antécédents linguistiques et l'orientation sexuelleNote 32, alors que la deuxième comprendrait, par exemple, les défenseurs des droits de la personne. La troisième catégorie est incluse davantage à cause d'intentions historiques, quoiqu'elle se rattache également aux influences antidiscriminatoires, en ce sens que le passé d'une personne constitue une partie immuable de sa vieNote 33.

En établissant les trois catégories possibles de groupes sociaux, la Cour a précisé que tous les groupes de personnes ne sont pas visés par la définition de réfugié au sens de la Convention. Il existe des groupes dont le demandeur d'asile pourrait et devrait se dissocier parce que le fait d'en être membre n'est pas essentiel à sa dignité humaineNote 34.

Une distinction doit être établie entre le demandeur d'asile qui craint d'être persécuté à cause de ce qu'il a fait à titre individuel et le demandeur d'asile qui craint d'être persécuté du fait de son appartenance à un groupe social. C'est l'appartenance au groupe qui doit être la cause de la persécution et non les activités à titre individuel du demandeur d'asileNote 35, c'est ce qu'il « est » par opposition à ce qu'il « fait ».

Un groupe social ne peut pas être défini seulement par le fait qu'un groupe de personnes est victime de persécutionNote 36. En effet, la définition de réfugié au sens de la Convention exige que la personne craigne d'être persécutée « du fait de » l'un des motifs prévus, dont l'appartenance à un groupe socialNote 37.

Postérieurement à l'arrêt Ward, la Cour d'appel a interprété, dans l'affaire ChanNote 38, les trois catégories possibles de groupes sociaux. Dans des jugements concordants, la majorité des juges de la Cour d'appel a statué que les expressions « association volontaire » et « statut volontaire », employées dans les deuxième et troisième catégories établies dans l'arrêt Ward (plus haut), renvoient à une association active ou formelle. Le jugement dissident était en désaccord avec cette interprétation.

La Cour suprême du Canada a ensuite été saisie de l'affaire ChanNote 39 et a décidé, à la majorité, que le demandeur d'asile n'avait pas prouvé le fondement objectif de sa crainte de persécution (stérilisation forcée)Note 40. La majorité de la Cour n'a pas traité de la question de l'appartenance à un groupe social ni celle de savoir si un motif s'appliquait en l'espèceNote 41. Par ailleurs, au nom des juges dissidents, le juge La Forest a parlé abondamment de la question du groupe social. Ses commentaires font autorité, dans la mesure où ils ne sont pas contredits par la majorité et reflètent l'opinion d'un nombre important de juges de la Cour suprême. Monsieur le juge La Forest (qui avait rédigé les motifs de l'arrêt Ward) a clarifié certaines des questions soulevées dans l'arrêt Ward :

  1. L'arrêt Ward énonçait une règle pratique et « non une règle absolue visant à déterminer si le demandeur du statut de réfugié peut être classé dans un groupe social donnéNote 42». Les « thèmes sous-jacents généraux de la défense des droits de la personne et de la lutte contre la discrimination » sont les facteurs primordiaux en en ce qui concerne la détermination de l'appartenance à un groupe socialNote 43.
  2. La distinction entre ce que le demandeur d'asile « fait » et ce qu'il « est » ne visait pas à remplacer les catégories établies dans l'arrêt Ward. Il faut tenir compte du contexte dans lequel la demande survientNote 44.
  3. Quant à la deuxième catégorie établie dans l’arrêt Ward et la position adoptée par la Cour d’appel dans l’affaire Chan, selon laquelle cette catégorie exige une association active entre les membres du groupe, monsieur le juge La Forest a déclaré : « Pour éviter toute confusion sur ce point, permettez-moi d’affirmer, d’une manière indéniable, que le demandeur qui dit appartenir à un groupe social n’a pas besoin d’être associé volontairement avec d’autres personnes semblables à lui. […] il faut se demander si l’appelant est volontairement associé de par un statut particulier, pour des raisons si essentielles à sa dignité humaine, qu’il ne devrait pas être contraint de renoncer à cette association. L’association ou le groupe existe parce que ses membres ont tenté, ensemble, d’exercer un droit fondamental de la personneNote 45. » (Le groupe auquel dit appartenir M. Chan était « les parents en Chine qui ont plus d’un enfant [et] qui ne sont pas d’accord avec la stérilisation forcée ».)

Voici quelques exemples de groupes sociaux potentiels abordés dans la jurisprudence :

  1. la familleNote 46;
  2. les homosexuels (orientation sexuelle)Note 47;
  3. les syndicatsNote 48;
  4. les pauvresNote 49;
  5. les personnes fortunées ou les propriétaires fonciers ne constituent pas, selon la Section de première instance, des groupes sociauxNote 50. La Cour fédérale a insisté sur le fait que, même s'ils l'avaient été par le passé, ces groupes n'étaient plus victimes de persécutionNote 51;
  6. les femmes victimes de violence conjugaleNote 52;
  7. les hommes qui deviennent victimes de violence aux mains d’anciens partenaires violents de leur épouse en raison de cette relation avec leur épouseNote 53 ;
  8. les femmes forcées au mariage sans leur consentementNote 54 ;
  9. les Haïtiens qui retournent dans leur pays (citoyens qui retournent en Haïti après un séjour à l’étranger) ne constituent pas​ un groupe social au sens de l’article 96 de la LoiNote 55 ;
  10. les femmes soumises à l’excisionNote 56 ;
  11. les personnes soumises à la stérilisation forcéeNote 57 ;
  12. les enfants des policiers partisans de l’antiterrorismeNote 58 ;
  13. d’anciens collègues de travail de l’administration municipale, terrifiés et terrorisés en raison de ce qu’ils savent sur le maire, criminel et impitoyableNote 59 ;
  14. les filles non instruites dans un pays où les filles ne sont pas autorisées à aller à l’écoleNote 60 ;
  15. les femmes célibataires ne bénéficiant pas de la protection d’un hommeNote 61 (dans certains pays et dans certaines circonstances);
  16. les « citoyens respectueux de la loi » ne forment pas​ un groupe socialNote 62 ;
  17. les personnes souffrant d’une maladie mentaleNote 63 ou physiqueNote 64 ;
  18. les « enfants abandonnésNote 65 ».

4.6. Opinions politiques

Selon une interprétation large et générale, on entend par « opinion politique » « toute opinion sur une question dans laquelle l'appareil étatiqueNote 66, gouvernemental et politique peut être engagéNote 67 ». Il ne s'ensuit pas, cependant, que seules les opinions politiques concernant l'État sont pertinentes. Comme il est mentionné au chapitre 3, il n'est pas nécessaire que l'État soit l'agent de persécution.

Dans l'arrêt Ward, la Cour suprême du Canada a indiqué que deux précisions doivent être apportées à la définition des opinions politiques aux fins de la définition de réfugié au sens de la Convention.

En premier lieu, « il n'est pas nécessaire que les opinions politiques en question aient été carrément expriméesNote 68 ». La Cour suprême a reconnu que le demandeur d'asile n'a pas toujours la possibilité d'exprimer ses convictions et que ses opinions politiques seront perçues en fonction de ses actes ou lui seront par ailleurs imputéesNote 69.

En deuxième lieu, « les opinions politiques imputées au demandeur » d'asile par le persécuteur, « n'ont pas à être nécessairement conformes à ses convictions profondesNote 70 ». En d'autres termes, les opinions politiques peuvent ne pas être imputées à juste titre au demandeur d'asile.

La Cour suprême a insisté sur le fait que c'est la perception du persécuteur qui compte. La question qu'il convient de poser est la suivante : l'agent de persécution estime-t-il que la conduite du demandeur d'asile revêt un caractère politique ou impute-t-il à ce dernier des activités politiquesNote 71?

Dans l’affaire ZhouNote 72 , la Cour a conclu que la SPR avait commis une erreur lorsqu’elle a semblé affirmer qu’il est possible d’évaluer objectivement les opinions politiques (la SPR a conclu que le comportement du demandeur d’asile, qui a crié des insultes aux responsables du bureau de la planification familiale, ne constituait pas une opinion politique qui justifierait une prise en considération). Selon la Cour, la question à se poser est subjective : l’agent de persécution pourrait il voir les déclarations du demandeur d’asile comme étant politiques et le poursuivre pour cette raison?

Par opposition, dans l’arrêt NiNote 73, la SPR a conclu que si le demandeur était arrêté en Chine, il ferait face à des poursuites en raison de sa résistance à l’expropriation de sa maison. Il ne serait pas persécuté., La Cour a trouvé cette conclusion raisonnable. La SPR a reconnu que le demandeur a crié des slogans antigouvernementaux et a traité le gouvernement de gouvernement corrompu, mais a conclu que de tels gestes ne l’exposaient pas à un risque de persécution. La conclusion reposait sur les actions précises du demandeur, telles que sa participation à l’opposition, parmi d’autres manifestants, son incapacité à prouver son rôle de leader et le fait que ses commentaires aient été faits dans le feu de l’action. Son témoignage n’a pas fait la preuve d’une opposition à la loi sur l’expropriation du gouvernement chinois et à sa politique en général. Son opposition se limitait à la seule question de l’indemnisation.

Le demandeur d'asile n'a pas à être membre d'un parti politiqueNote 74, ni d'un groupe ayant un titre, bureau ou statut officielNote 75, ni à avoir une place bien en vue dans un parti politiqueNote 76 pour que l’on puisse déterminer qu'il craint avec raison d'être persécuté du fait de ses opinions politiques. Le risque futur de persécution auquel est exposé un demandeur d’asile en raison de ses opinions politiques peut être établi au moyen d’éléments de preuve documentaire concernant des personnes se trouvant dans une situation semblable, même si le demandeur d’asile ne peut démontrer que les incidents survenus dans le passé étaient liés aux opinions politiquesNote 77. L'élément déterminant est la perception qu'a le persécuteur du groupe et de ses activités ou de la personne en cause et de ses activitésNote 78.

Dans l’affaire Marino GonzalezNote 79 , où la Cour a soutenu que la SPR avait appliqué le mauvais critère aux opinions politiques, la Cour, après avoir examiné la jurisprudence à ce sujet, a réitéré les principes suivants (entre autres) : la connaissance personnelle de l’existence d’une corruption ou l’opposition à celle-ci peuvent constituer une opinion politique; le sens de l’expression « opinion politique » ne se limite pas aux opinions partisanes ou à l’appartenance à des partis ou à des mouvements partisans, et cette expression ne vise pas uniquement la politique nationale, régionale ou municipale; en outre, le refus de prendre part à la corruption peut constituer une opinion politique.

Pour une analyse du motif que constituent les opinions politiques en ce qui a trait aux lois d'application générale et, en particulier, au code vestimentaire et aux dispositions législatives relatives au service militaire (évasion/désertion), voir le chapitre 9.

Dans la décision ColmenaresNote 80 , la Cour a conclu qu'une victime de persécution fondée sur un motif politique n’a pas à abandonner son engagement dans l'activisme politique afin de vivre en sécurité dans son pays.

Dans l’affaire MakalaNote 81 , la Section de première instance a tenu compte de l’applicabilité de l’article 82 du Guide du HCR, qui énonce ce qui suit :

Il peut cependant y avoir des cas où l’intéressé n’a pas exprimé ses opinions mais où l’on peut raisonnablement penser que, compte tenu de la force de ses convictions, il sera tôt ou tard amené à le faire et qu’il se trouvera alors en conflit avec les autorités. Lorsqu’on peut raisonnablement envisager cette éventualité, on peut admettre que le demandeur craint d’être persécuté du fait de ses opinions politiques.

La Cour a conclu que la constatation erronée de la SSR, selon laquelle le demandeur d’asile n’avait pas fait de politique lorsqu’il était au Congo, avait peut-être eu une incidence sur son appréciation de la force des convictions politiques du demandeur d’asile et des actions antigouvernementales qu’il pourrait mener à son retour au Congo.

4.7. Victimes de criminalité et lien avec les motifs

Dans un certain nombre de cas, la Section de première instance a statué que les victimes de la criminalité, de la corruptionNote 82 ou d'une vendetta, y compris les vengences familialesNote 83 , ne peuvent généralement pas établir l'existence d'un lien entre leur crainte de persécution et l'un des cinq motifs mentionnés dans la définitionNote 84.

Toutefois, il faut désormais interpréter ces décisions avec circonspection à la lumière de la décision rendue par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire KlinkoNote 85, où la Cour a répondu par l'affirmative à la question certifiée suivante :

Le dépôt d’une plainte publique au sujet des agissements corrompus largement répandus de douaniers et de policiers relevant d’une autorité gouvernementale régionale et la persécution dont le plaignant est par la suite victime en raison du dépôt de cette plainte alors que ces agissements corrompus ne sont pas officiellement sanctionnés, tolérés ou appuyés par l’État constituent-ils l’expression d’une opinion politique au sens où cette expression est employée dans la définition du réfugié au sens de la Convention au paragraphe 2(1) de la Loi sur l’immigration?

La Cour a conclu que, étant donné la corruption gouvernementale largement répandue en Ukraine (« où […] les éléments corrompus sont si répandus au sein du gouvernement qu’ils font partie de la structure de ce dernier »), la dénonciation de la corruption existante par le demandeur d’asile constituait l’expression d’une opinion politique.

Bien que l’opposition à la corruption et à la criminalité puisse, dans les circonstances énoncées dans l’affaire Klinko, être considérée comme l’expression d’une opinion politique, l’existence d’une opinion politique, et par conséquent d’un lien avec un motif énoncé dans la Convention, est fondée sur les faits et doit être déterminée en fonction des éléments de preuve présentés dans chaque affaire.

En général, une opinion exprimée contre une organisation criminelle ne permettra d’établir de lien en raison des opinions politiques du demandeur d’asile que dans la mesure où la preuve démontre que l’opposition manifestée par le demandeur d’asile est fondée sur une conviction politique.Note 86 De même, l’opposition à la corruption ou à la criminalité peut être considérée comme une opinion politique quand elle peut être perçue comme une protestation contre l’appareil de l’ÉtatNote 87 .

On ne considère pas qu’un demandeur d’asile fait partie d’un groupe social parce qu’il dénonce la corruption ou qu’il s’oppose à la criminalitéNote 88 . Un demandeur d’asile qui refuse de participer à la perpétration d’un crime pour une question de conscience n’est pas, pour cette raison, membre d’un groupe politiqueNote 89. Toutefois, dans certains cas, les opinions politiques et l’appartenance à un groupe social peuvent créer un lien si le demandeur d’asile craint d’être persécuté par suite d’une activité criminelleNote 90.

La Cour fédérale a conclu que les personnes qui craignent de devenir victimes de crimes parce qu’elles sont considérées comme riches n’appartiennent pas à un groupe socialNote 91. La Cour a affirmé qu’en tant que groupe, les personnes considérées comme riches ne sont pas marginalisées; elles sont plutôt des cibles plus fréquentes d’activité criminelle. La perception de richesse ne suffit pas à étayer la position selon laquelle les personnes qui reviennent de l’étranger constituent un groupe social. Il ressort clairement de l’arrêt Ward que la protection accordée par la Convention consiste en une protection pour des motifs de droits de la personne et pour des considérations antidiscriminatoires et non pas pour des motifs de criminalité ordinaire.

Dans l’affaire SoiminNote 92, une Haïtienne allèguait craindre d’être violée en raison de son appartenance à un groupe social, soit les « femmes en Haïti pouvant être ciblées par des criminels en raison de leur sexe ». La Cour a confirmé la conclusion de la SPR, à savoir que la violence que craingnait par la demandeure d’asile résultait de l’activité criminelle généralisée ayant cours en Haïti et non pas d’un ciblage discriminatoire des femmes en particulier. Le préjudice craint était de nature criminelle sans aucun lien avec la définition de réfugié au sens de la Convention. Très récemment, la Cour est cependant arrivée à une conclusion différente dans les affaires DezameauNote 93 et JosileNote 94, des demandes d’asile également présentées par des Haïtiennes qui allèguaient craindre d’être persécutées en subissant de la violence sexuelle. Dans ces cas, la Cour a cité le principe énoncé dans l’arrêt Ward, selon lequel le « sexe » peut être à la base d’un groupe social. La Cour a également cité la jurisprudence de la Cour suprême du Canada à l’appui de la proposition selon laquelle le viol et les autres formes d’agression sexuelle sont des crimes ancrés dans le statut des femmes dans la sociétéNote 95 .

Dans l’affaire Dezameau, la Cour a conclu que l’erreur de la Commission a consisté à se servir de sa conclusion sur l’existence d’un risque de violence répandu pour réfuter l’affirmation qu’il existe un lien entre le groupe social auquel la demanderesse appartient et le risque de viol. Une conclusion de généralitéNote 96 ne ferme pas la porte à une conclusion de persécution fondée sur l’un des motifs prévus dans la Convention. Cela est explicitement énoncé dans les Directives no 4 de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada.

D’après un examen du droit canadien et de la preuve documentaire, la Cour a conclu, dans l’affaire Josile, que la notion selon laquelle le viol est un acte de violence auquel tous les Haïtiens sont généralement exposés est une conclusion indéfendable; le risque de viol était plutôt ancré dans l’appartenance de la demanderesse à un certain groupe social, soit celui des femmes haïtiennes.

Dans l’affaire ManciaNote 97, la Cour a souligné que, dans le cadre d’une demande d’asile fondée sur le sexe, il incombe à la demandeure d’asile de convaincre la Commission qu’elle a été prise pour cible en tant que femme. « Autrement dit, pareille demandeure d’asile doit démontrer qu’elle n’aurait pas été agressée si elle n’avait pas été une femme. »

4.8. Guerre civile et autres conflits fréquents

La présente section examine les situations dans lesquelles plus d’un élément de la définition de réfugié au sens de la Convention entrent en jeu. Dans ces cas, il ne s’agit pas seulement d’établir si le demandeur d’asile est victime de persécution; il faut également trancher s’il existe un lien avec l’un des motifs énoncés dans la définition de réfugié au sens de la Convention. Les situations peuvent s’avérer complexes et difficiles à analyser : la solution consiste à établir quelles sont les exigences imposées par chaque élément et à découvrir quelles sont les circonstances des ces situations qui les relient aux éléments.

4.8.1. Généralités

Deux arrêts de la Cour d'appel constituent l'essentiel de la jurisprudence sur cette question. Le premier est l'arrêt SalibianNote 98, dans lequel sont énoncés quatre principes générauxNote 99 :

À la lumière de la jurisprudence de cette Cour relative à la revendication du statut de réfugié au sens de la Convention, il est permis d'affirmer :

  1. que le requérant n'a pas à prouver qu'il avait été persécuté dans le passé ou qu'il serait lui-même persécuté à l'avenir;
  2. que le requérant peut prouver que la crainte qu'il entretenait résultait non pas d'actes répréhensibles commis ou susceptibles d'être commis directement à son égard, mais d'actes répréhensibles commis ou susceptibles d'être commis à l'égard des membres d'un groupe auquel il appartenait;
  3. qu'une situation de guerre civile dans un pays donné ne fait pas obstacle à la revendication pourvu que la crainte entretenue soit non pas celle entretenue indistinctement par tous les citoyens en raison de la guerre civile, mais celle entretenue par le requérant lui-même, par un groupe auquel il est associé ou, à la rigueur, par tous les citoyens en raison d'un risque de persécution fondé sur l'un des motifs énoncés dans la définition; et
  4. que la crainte entretenue est celle d'une possibilité raisonnable que le requérant soit persécuté s'il retournait dans son pays d'origine [...]

La Cour a ensuite fait sienne la description suivante du droit applicable (fournie par le professeur Hathaway)Note 100 :

[traduction]

En bref, bien que le droit moderne sur les réfugiés tente de reconnaître les besoins des demandeurs d'asile en matière de protection, la meilleure preuve qu'une personne court un risque sérieux d'être persécutée réside habituellement dans la manière dont les personnes se trouvant dans une situation similaire sont traitées dans le pays d'origine. Dans le contexte des demandes découlant de situations d'oppression généralisée, donc, il s'agit de déterminer non pas si le demandeur court un risque plus grand que toute autre personne dans son pays, mais plutôt si le harcèlement ou l'abus généralisé est suffisamment grave pour étayer une revendication du statut de réfugié. Si des personnes comme le demandeur risquent de subir un préjudice grave pour lequel l'État doit rendre des comptes, et que ce risque est attribuable à leur statut civil ou politique, alors le demandeur est à juste titre considéré comme un réfugié au sens de la Convention.

Le second arrêt faisant autorité est la très courte décision rendue par la Cour d'appel dans l'affaire RizkallahNote 101 :

Pour avoir gain de cause, les demandeurs du statut de réfugié doivent établir qu'ils font eux-mêmes l'objet de persécution pour un motif visé par la Convention. Cette persécution doit être dirigée contre eux, soit personnellement, soit en tant que membres d'une collectivité.

[…] la preuve qui nous a été présentée ne permet pas d'établir que les chrétiens du village libanais des demandeurs étaient collectivement persécutés d'une manière qui pourrait les distinguer de l'ensemble des victimes de la terrible guerre civile que se livrent les nombreuses partiesNote 102.

Depuis les arrêts Salibian et Rizkallah, de multiples décisions ont été rendues relativement à des cas où il existait une situation de guerre civile. Dans bon nombre de celles-ci, les arrêts Salibian ou Rizkallah ont été cités et appliqués; ils n'ont été contestés dans aucune de ces décisions. D'ailleurs, la Cour n'a pas vraiment formulé ni précisé, expressément ou implicitement, de nouveaux principes dans ces décisions, même si l'application du principe n'a pas été uniforme.

L'un des principes toutefois énoncés est que l'appartenance d'un demandeur d'asile à l'un des deux camps qui s'affrontent dans un conflit ne prouve pas en soi que le demandeur d'asile est un réfugié au sens de la ConventionNote 103.

4.8.2. Deux méthodes : comparative et non comparative

La jurisprudence antérieure concernant les demandes d'asile découlant de situations de guerre civile a généré beaucoup de confusion et d'incohérence. Finalement, de cette confusion est ressortie une interprétation qui a été retenue par la Commission dans les Directives de son président intitulées Civils non combattants qui craignent d'être persécutés dans des situations de guerre civileNote 104. Les Directives adoptent la méthode non comparative. Ce qui suit explique l'élaboration de la jurisprudence.

4.8.2.1. Contexte

L'ancienne jurisprudence semblait indiquer que, lorsqu'ils examinent s'il existe un lien entre le préjudice appréhendé et un motif énoncé à la Convention, les tribunaux adoptaient deux méthodes différentes relativement aux demandes d'asile fondées sur une situation de guerre civile et à l'application des arrêts Salibian et Rizkallah. Cela s'explique par l'interprétation du libellé utilisé par la Cour dans ces deux affaires. Plus précisément, dans l'arrêt Rizkallah, la demande d'asile a été jugée non fondée parce que les membres du groupe auquel appartenait le demandeur d'asile n'étaient pas « collectivement persécutés d'une manière qui pourrait les distinguer de l'ensemble des victimes de la [...] guerre civile ». De plus, dans l'arrêt Salibian, , la Cour a souligné que pour que le demandeur d'asile ait gain de cause, sa crainte ne doit pas être « celle entretenue indistinctement par tous les citoyens en raison de la guerre civile ».

Dans certains cas où ces expressions ou des expressions analogues ont été utiliséesNote 105, il semble que la Cour ait considéré que celles-ci l'autorisaient à adopter la méthode comparative, c'est-à-dire à comparer les difficultés du demandeur d'asile avec celles éprouvées par d'autres personnes dans le même pays et à exiger que les difficultés du demandeur d'asile soient plus graves que celles de ces autres personnesNote 106.

Dans d'autres cas, la Cour a considéré qu'un demandeur d'asile qui appartient à un groupeNote 107 qui risque de faire l'objet d'une attaque par un deuxième groupe peut être un réfugié selon la Convention et que, en particulier, le lien nécessaire existe, et ce, même si d'autres personnes que le demandeur d'asile et d'autres groupes que celui auquel il appartient peuvent aussi faire l'objet d'attaques par le même ou par d'autres agresseurs. Cela est plus connu sous le nom de l'approche « non comparative ».

Suivant la méthode non comparative, la demande d'asile qui est présentée dans un contexte où la violence est généralisée doit satisfaire aux mêmes conditions que n'importe quelle autre demande d'asile. Le contenu de ces exigences n'est pas différent pour une telle demande et celle-ci ne fait pas l'objet d'exigences supplémentaires ou de restrictions. Ainsi, suivant cette méthode, le décideur examinerait les éléments suivants :

  • Préjudice grave : il s'agit de savoir si le traitement que le demandeur d'asile anticipe équivaut à un préjudice grave. Il faut établir si le préjudice que ce demandeur d'asile pourrait subir est grave et non s'il risque un préjudice plus grave que celui auquel pourrait être exposé un autre groupe ou une autre personne appartenant à son groupe.
  • Risque de préjudice : il s'agit de savoir s'il existe une possibilité raisonnable que le demandeur d'asile subisse le préjudice appréhendé. Il ne s'agit pas d'établir si ce demandeur d'asile court un plus grand risque qu'une autre personne ou qu'un autre groupe.
  • Lien : il s'agit de savoir s'il existe un lien entre le préjudice qui pourrait être infligé au demandeur d'asile et l'un des motifs prévus à la ConventionNote 108. Il faut déterminer les sources du préjudice ou les personnes qui pourraient causer un préjudice à ce demandeur d'asile et établir si la personne qui inflige le préjudice le fait pour l'un des motifs énoncés à la ConventionNote 109. Le demandeur d'asile ne doit pas se voir refuser l'asile parce que d'autres personnes de son groupe ou d'autres groupes pourraient aussi être visés pour des motifs analogues.

4.8.2.2. Méthode non comparative : critère juridique privilégié

Dans l'arrêt Ali, Shaysta-AmeerNote 110, la Cour d'appel a confirmé que le critère applicable à la persécution dans le contexte d'une guerre civile est la méthode non comparative qui a été énoncée dans les affaires Salibian et Rizkallah et préconisée dans les Directives du président intitulées Civils non combattants qui craignent d'être persécutés dans des situations de guerre civileNote 111. La Cour a cité, en les approuvant, les passages suivants tirés des Directives :

Méthode non comparative

Les présentes Directives recommandent la méthode non comparative pour apprécier une revendication, laquelle se rapproche davantage du troisième principe formulé dans l'arrêt Salibian, des arrêts Rizkallah et Hersi, Nur Dirie de la Cour d'appel ainsi que du libellé de la définition de réfugié au sens de la Convention. Selon cette méthode, la Cour examine la situation particulière du demandeur, et celle du groupe auquel il appartient, de la même manière que toute autre revendication du statut de réfugié au sens de la Convention, au lieu de comparer les risques de persécution que courent l'intéressé et d'autres personnes (notamment des membres du groupe auquel appartient le demandeur) ou groupes.

Il ne s'agit pas de comparer le risque auquel s'expose le demandeur et le risque auquel doivent faire face d'autres personnes ou d'autres groupes pour un motif énoncé dans la Convention; il s'agit plutôt de déterminer si le risque que court le demandeur constitue un préjudice suffisamment grave et est lié à un motif énoncé dans la Convention par rapport aux conséquences générales de la guerre civile. Il ne faudrait pas accorder à un demandeur le statut de « victime générale » d'une guerre civile sans avoir pleinement analysé sa situation personnelle et celle du groupe auquel il peut appartenir. La méthode non comparative permet de porter toute l'attention sur la question de savoir si la crainte de persécution du demandeur repose sur l'un des motifs prévus dans la Convention. (Notes omises.)

Dans la décision FiNote 112,la Cour fédérale a cité, en l'approuvant, le passage suivant tiré des Directives : « si l'un des belligérants prend pour cible particulière une personne ou un groupe de personnes en raison de la race, des opinions politiques ou de l'un des autres éléments énoncés dans la définition de réfugié, et commet des atteintes graves aux droits de la personne, il s'agit manifestement de persécution ».

4.9. Persécution indirecte et unité de la famille

La notion de « persécution indirecte » a été décrite ainsi par le juge Jerome dans l'affaire BhattiNote 113 :

La notion de persécution indirecte repose sur l'hypothèse que les membres de la famille sont susceptibles de subir un grave préjudice lorsque leurs proches parents sont persécutés. Ce préjudice peut revêtir plusieurs formes, dont la perte du soutien économique ou social apporté par la victime et le traumatisme psychologique causé par la souffrance de ceux qu'on aime.

[…]

Cette théorie repose sur la reconnaissance du préjudice étendu causé par les actes de persécution. En reconnaissant que les membres de la famille des personnes persécutées peuvent eux-mêmes être victimes de persécution, la théorie en question permet d'octroyer le statut de réfugié à ceux qui par ailleurs ne seraient pas en mesure de prouver individuellement une crainte fondée de persécution.

Toutefois, dans l'affaire Pour-Shariati, le juge Rothstein a dit que « dans l'affaire Bhatti, l'idée de persécution indirecte élargit sans raison suffisante les conditions d'admission au Canada prévues pour les réfugiés au sens de la Convention, en englobant des personnes qui ne craignent pas avec raison d'être elles-mêmes persécutéesNote 114 ». De plus, dans l'affaire CasetellanosNote 115, le juge Nadon a souligné ce qui suit :

Une revendication du statut de réfugié doit [...] établir un lien très clair entre le demandeur du statut et l'un des cinq motifs énumérés dans la définition d'un réfugié au sens de la Convention. En vertu du principe de la persécution indirecte, toutefois, le demandeur n'est pas tenu d'être persécuté ou d'avoir de bonnes raisons de craindre d'être persécuté. Cette persécution indirecte résulte du fait que le demandeur est malgré lui témoin de gestes violents dirigés contre d'autres membres de sa famille ou le groupe social auquel il appartient, par exemple. […] De plus, dans la décision Bhatti, […] le juge en chef adjoint Jerome a déclaré que la portée de ce principe était telle qu'il pouvait s'appliquer au-delà des motifs traditionnels de persécution pour s'étendre aux cas de pertes de soutien économique ou social [...] Aux yeux de la Cour, cependant, il est inadmissible d'étendre ainsi la portée du soi-disant principe de la persécution indirecte, étant donné que la perte d'un soutien économique, social ou émotif ne constitue pas l'un des motifs justifiant l'octroi du statut de réfugié au sens de la Convention.

Le juge Nadon a poursuivi en statuant que « la persécution indirecte ne peut être assimilée à de la persécution selon la définition de réfugié au sens de la ConventionNote 116 ».

La Cour d'appel a rejeté l'appel dans l'affaire Pour-ShariatiNote 117, et, ce faisant, elle a carrément rejeté le concept de la persécution indirecte qui avait été formulé dans l'affaire Bhatti :

Le concept de persécution indirecte reconnu dans l'affaire Bhatti comme principe de notre droit en matière de réfugiés est par conséquent rejeté. Selon le raisonnement du juge Nadon, dans Casetellanos [...] « comme la persécution indirecte ne peut être assimilée à de la persécution selon la définition de réfugié au sens de la Convention, toute demande à laquelle elle sert de fondement devrait être rejetée ». La Cour est d'avis que le concept de persécution indirecte va directement à l'encontre de la décision qu'elle a prise dans Rizkallah [...] et dans laquelle elle a statué qu'il devait y avoir un lien personnel entre le demandeur et la persécution alléguée pour l'un des motifs prévus dans la Convention. L'un de ces motifs est bien entendu « l'appartenance à un groupe social particulier », un motif qui permet de tenir compte de la situation familiale dans un cas appropriéNote 118.

Appliquant la décision Pour-Shariati, le juge Muldoon a rejeté, dans CetinkayaNote 119, le concept de la persécution indirecte et a statué, en se fondant sur les faits de l'espèce, qu'il devait y avoir un lien entre la situation personnelle du demandeur d'asile et la situation générale dans son pays, la Turquie, en ce qui concerne les membres du parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Il a déclaré ce qui suit :

[25] [...] Certains membres du PKK peuvent faire face à la persécution, mais il incombe au demandeur de démontrer qu'il appartient à la catégorie des individus qui peuvent faire face à la persécution. Il ne suffit pas d'établir que les membres du PKK sont persécutés sans établir le lien nécessaire entre les activités du demandeur et la persécution qu'il craint. Même en ce qui concerne de présumées opinions politiques, il faut établir un lien entre le demandeur et les opinions politiques qui peuvent lui être attribuées.

On peut aussi faire une distinction entre une demande d'asile fondée sur la persécution indirecte et une demande d'asile fondée sur le principe de l'« unité de la familleNote 120 ». Il est question de ce principe aux paragraphes 182 à 185 du Guide du HCR. Le demandeur d'asile qui invoque l'unité de la famille ne tente pas de démontrer qu'il y a persécution, comme l'exige la définition, en soulignant les effets secondaires. Plutôt, si la personne directement touchée satisfait à tous les critères de la définition de réfugié au sens de la Convention, le statut de réfugié peut être accordé à un membre de sa famille, peu importe que celui-ci satisfasse ou non aux exigences de la définition (c.-à-d. qu'il craigne avec raison d'être persécuté). Cette position a été rejetée parce qu'elle a été jugée sans fondement en droit canadienNote 121.

Dans l'affaire AkinfolajimiNote 122, la Cour a examiné une décision dans laquelle la SPR avait accueilli la demande d'asile du demandeur principal, mais avait rejeté les demandes d'asile des membres de sa famille qui y était jointes. La Cour a déclaré ce qui suit à propos du principe de l'unité familiale :

[5] Je suis conscient que la décision de la SPR entraînera la séparation de la famille. Cependant, l'objectif de la LIPR en matière de réunification des familles n'est qu'un des nombreux objectifs visés par la LIPR dans une grande variété de contextes. Il ne s'agit pas d'un critère déterminant pour décider si une personne a qualité de réfugié au sens de la Convention ou celle de personne à protéger aux termes des articles 96 et 97 de la LIPR. La LIPR prévoit plutôt d'autres mécanismes pour l'application de l'objectif de réunification des familles, des mécanismes auxquels les demandeurs pourraient peut-être avoir recours [...]

[…]

[30] Ainsi qu'il a été mentionné dès le début du présent jugement, l'unification des familles est l'un des objectifs de la LIPR, et il ne fait aucun doute que les décisions prises en application de la LIPR et menant à un résultat différent sont difficiles. Cependant, les demandes d'asile doivent être évaluées individuellement et selon leur bien-fondé, en regard des définitions présentées aux articles 96 et 97 de la LIPR.

Bien que la « cellule familiale » ne soit pas une notion reconnue dans le droit canadien des réfugiésNote 123, « [l]a conception de la famille comme "groupe social" pour fonder la demande d'asile est fondée sur la preuve de la persécution de la famille en tant que groupe social et non sur le principe de la cellule familiale. Il faut prouver qu'en raison de l'appartenance à une famille, certaines personnes peuvent craindre avec raison d'être persécutées dans l'avenir si elles sont contraintes à retourner dans leur pays d'origineNote 124 ».

Notes

Note 1

Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689; 103 D.L.R. (4e) 1; 20 Imm. L.R. (2e) 85, à 732; Chan c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] 3 C.F. 675; (1993), 20 Imm. L.R. (2e) 181 (C.A.), à 689-690 et à 692-693.

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Note 2

M.C.I. c. B344 (C.F., IMM-7817-12), Noël, 8 mai 2013; 2013 CF 447, para 37. Voir aussi para 38-41. La Cour a souligné que la doctrine des motifs mixtes a été reconnue pour la première fois par la Cour d’appel dans l’arrêt Zhu c. M.E.I., (C.A.F. A-1017-91), MacGuigan, Linden, Robertson, 28 janvier 1994, lorsque la Cour d’appel a conclu que la Section du statut de réfugié (SSR) avait commis une erreur en établissant une opposition entre l’amitié et la motivation politique comme motifs du demandeur d’asile, qui avait aidé à faire entrer clandestinement à Hong Kong deux étudiants impliqués dans le au mouvement prodémocratie chinois, principalement en raison de leur amitié. Les motifs étaient [traduction] « mixtes » plutôt que [traduction] « conflictuels ». Si l’un des motifs est politique, cela suffit. La doctrine a depuis été appliquée par la Cour fédérale dans de nombreuses décisions.

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Note 3

Dans l’affaire Kutaladze, Levane c. M.C.I. (C.F., IMM-5417-05), Shore, 23 mai 2012; 2012 CF 627, la Cour a soutenu que, en raison de la preuve documentaire, de même que du témoignage, la Section de la protection des réfugiés (SPR) avait l’obligation d’analyser de manière plus approfondie l’allégation du demandeur d’asile selon laquelle il s’était fait extorquer et accuser d’être un espion en raison de ses opinions politiques.

Voir également la décision Shahiraj, Narender Singh c. M.C.I. (C.F. 1re inst., IMM-3427-00), McKeown, 9 mai 2001, où la Cour a soutenu que la SSR avait commis une erreur en concluant qu’il n’y avait aucun lien puisque, après avoir arrêté et torturé le demandeur d’asile, la police l’avait libéré sur versement d’un pot de vin. La preuve a montré que la police avait ciblé le demandeur d’asile en partie à cause de ses propres liens politiques imputés avec des militants.

Dans l’affaire Katwaru, Shivanand Kumar c. M.C.I. (C.F., IMM-3368-06), Teitelbaum, 8 juin 2007; 2007 CF 612, la Cour a rejeté l’argument selon lequel la SPR ne s’était pas demandé si le responsable de la persécution, un fier à bras afro-guyanais de cour d’école, avait des motifs mixtes (motivé par le crime et par la race) de s’attaquer au demandeur d’asile indo-guyanais. Comme la SPR a conclu qu’il n’y avait pas de preuve que le persécuteur du demandeur d’asile était motivé par la race, il n’était pas possible de conclure que les motifs étaient mixtes.

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Note 4

Alhezma, Lotifya K.Q. c. M.C.I. (C.F., IMM-2087-16), Bell, 24 novembre 2016 (décision rendue de vive voix le 17 novembre 2016); 2016 CF 1300, para 18.

 

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Note 5

L’arrêt Ward, supra note 1, à 745, cite le Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), Genève, septembre 1979, para 67. Comme il est expliqué dans l’affaire M.C.I. c. A068 (C.F., IMM-8485-12), Gleason, 19 novembre 2013; 2013 CF 1119, para 37, « l’arrêt Ward établit que, si les faits démontrent que le demandeur d’asile craint avec raison d’être persécuté pour ses opinions politiques, il est loisible à une cour de révision de tenir compte de ce motif, même si les parties ont formulé la question en litige dans le contexte de l’appartenance à un groupe social ».

Dans l’affaire Singh, Sarbit c. M.C.I. (C.F., IMM-1157-07), Beaudry, 1er octobre 2007; 2007 CF 978, la Cour a infirmé la décision de la SPR selon laquelle le demandeur d’asile n’avait pas à l’origine présenté sa demande au titre de l’article 96, mais uniquement au titre du paragraphe 97(1), et qu’il n’y avait donc aucun motif de demande d’asile aux termes de l’article 96. La Cour a conclu que la demande d’asile n’était pas uniquement fondée sur une question de vengeance. L’aspect du récit du demandeur d’asile concernant l’organisation terroriste Babar Khalsa aurait dû être analysé suivant l’article 96.

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Note 6

Dans l’affaire Morenakang Mmono, Ruth c. M.C.I. (C.F., IMM-4015-12), Phelan, 5 mars 2013; 2013 CF 219, la Cour a souligné que, même si la SPR n’est pas tenue d’établir la preuve d’un demandeur d’asile ou d’examiner un motif qu’il n’a pas soulevé, la Cour d’appel a obligé la Commission à examiner un motif qui ressort clairement de la preuve.

Comme l’a souligné la Cour d’appel dans l’affaire Guajardo-Espinoza [1993] A.C.F., 797 (CAF), au para 5 :

Comme notre Cour l’a exprimé récemment dans l’arrêt Louis c. M.E.I. [C.A.F., A-1264-91, 29 avril 1993], l’on ne saurait reprocher à la Section du statut de ne pas s’être prononcée sur un motif qui n’avait pas été allégué et qui ne ressortait pas de façon perceptible de l’ensemble de la preuve faite. Accepter le contraire conduirait à un véritable jeu de cache-cache et de devinette et forcerait la Section du statut à se livrer à des enquêtes interminables pour éliminer des motifs qui ne s’appliquent pas de toute façon, que personne ne soulève et que la preuve ne fait ressortir en aucune manière, le tout sans compter les appels vains et inutiles qui ne manqueraient pas de s’ensuivre.

Dans la décision Pardo Quitian c. M.C.I., 2020 CF 846, para 53-54, la Commission a commis une erreur en ne tenant pas compte de la demande d’asile fondée sur le sexe présentée par la demanderesse. Bien que la violence sexuelle n’ait pas été explicitement mentionnée comme fondement de la demande d’asile, la preuve documentaire a confirmé qu’elle était une caractéristique du conflit en Colombie, et la demanderesse a précisé dans son témoignage qu’elle avait été violée deux fois par des membres des « Aigles noirs » qui étaient à la recherche de son frère.

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Note 7

Ward, supra note 1, à 747. Dans l’affaire Gholami, Abbas c. M.C.I. (C.F., IMM-1203-14), O’Reilly, 16 décembre 2014; 2014 CF 1223, la Commission a clairement reconnu que selon la preuve documentaire, les Arabes sont exposés à une discrimination généralisée en Iran, mais elle a conclu qu’étant donné que le demandeur d’asile principal est ethniquement un Persan, lui et le reste de la famille seront perçus comme des Persans et ne seront donc pas persécutés. La Cour a fait valoir que la Commission avait omis de reconnaître que les demandeurs seront probablement perçus comme étant des Arabes en Iran étant donné leur langue, leur éducation et leurs antécédents familiaux au Koweït, où ils parlaient, travaillaient et fréquentaient l’école en arabe.

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Note 8

Dans la décision Narvaez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1995] 2 C.F. 55 (1re inst.), à 62, la Cour a dit : « [Les directives] n’ont certes pas force de loi, mais elles sont autorisées aux termes du paragraphe 65(3) de la Loi et sont censées être suivies, à moins qu’une analyse différente ne convienne dans les circonstances. »

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Note 9

Voir l’affaire Gur, Irem c. M.C.I. (C.F., IMM-6294-11), de Montigny, 14 août 2012; 2012 CF 992, au para 22, où la Cour a souligné qu’on ne peut demander à une demandeure d’asile de nationalité kurde et de confession alévie de renoncer à sa foi et à sa langue pour vivre une vie paisible. On ne peut demander à un demandeur d’asile de renoncer à ses croyances profondes ou de cesser d’exercer ses droits fondamentaux comme prix à payer pour vivre en sécurité et éviter la persécution.

Voir aussi l’affaire Antoine, Belinda c. M.C.I. (C.F., IMM-4967-14), Fothergill, 26 juin 2015; 2015 CF 795, para 23, où l’agente d’examen des risques avant renvoi (ERAR) avait laissé entendre que, pour éviter la persécution, la demanderesse devait continuer d’éviter d’adopter un style de vie de lesbienne trop apparent. La Cour a jugé qu’exiger qu’une personne fasse preuve de discrétion au sujet de son orientation sexuelle constitue une attente abusive, étant donné que cette personne doit refouler une caractéristique immuable.

Dans l’affaire V.S. c. M.C.I. (C.F., IMM-7865-14), Barnes, 7 octobre 2015; 2015 CF 1150, la Cour a soutenu que l’agente d’immigration avait commis une erreur en supposant que les difficultés (c. à d. les risques) auxquelles la demanderesse serait confrontée à son retour dans son pays pourraient facilement être gérées par la suppression de son identité sexuelle. Selon la Cour, un tel point de vue est tout simplement insensible et faux.

Le même principe s’applique aux opinions politiques : voir la décision Colmenares, Jimmy Sinohe Pimentel c. M.C.I. (C.F., IMM-5417-05), Barnes, 14 juin 2006; 2006 CF 749, para 14; et à la religion, voir la décision Mohebbi, Hadi c. M.C.I. (C.F., IMM-3755-13) Harrington, 26 février 2014; 2014 CF 182, para 10.

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Note 10

Par exemple, l’origine ethnique tamoule a été reconnue comme étant liée au motif de la race, notamment dans les affaires M.C.I. c. B377 (C.F., IMM-6116-12), Blanchard, 8 mai 2013; 2013 CF 320 et Gunaratnam, Thusheepan c. M.C.I. (C.F., IMM-4854-13), Russell, 20 mars 2015; 2015 CF 358.

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Note 11

Veeravagu, Uthaya Kumar c. M.E.I. (C.A.F., A-630-89), Hugessen, Desjardins, Henry, 27 mai 1992, à 2.

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Note 12

Chace Reveron, Dennys Jesus c. M.C.I., 2020 CF 1114, para 28-29.

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Note 13

Cao, Jieling c. M.C.I. (C.F., IMM-1050-16), Bell, 20 décembre 2016; 2016 CF 1393, para 17.

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Note 14

La Cour suprême du Canada, dans l’arrêt R. c. Cook, [1998] 2 R.C.S. 597, a indiqué, au paragraphe 42, que même si les termes « nationalité » et « citoyenneté » sont souvent utilisés comme s’ils étaient synonymes, le principe de nationalité est beaucoup plus large que le statut juridique de citoyenneté. Dans l’affaire M.C.I. c. A25 (C.F., IMM-11547-12), Phelan, 6 janvier 2014; 2014 CF 4, la Cour fédérale a soutenu que la décision de la SPR accordant le statut de réfugié était raisonnable, en partie en raison du fait que la « nationalité » du demandeur d’asile a été prise autant au sens de l’origine raciale ou ethnique qu’au sens courant de nationalité.

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Note 15

Hanukashvili, Valeri c. M.C.I. (C.F. 1re inst., IMM-1732-96), Pinard, 27 mars 1997. Même si Israël n’avait pas reconnu que les demandeurs d’asile possédaient la nationalité juive, ils étaient citoyens d’Israël, et la SSR avait considéré à juste titre que les demandes d’asile étaient faites à l’endroit d’Israël, leur pays de nationalité conformément au paragraphe 2(1) de la Loi. La Cour a cité la décision Hanukashvili dans l’affaire Abedalaziz, Rami Bahjat Yah c. M.C.I. (C.F., IMM-7531-10), Shore, 9 septembre 2011; 2011 CF 1066, para 29, lorsqu’elle a déclaré que le terme « nationalité », utilisé dans les définitions de réfugié au sens de la Convention et de personne à protéger (articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés [LIPR]), signifie la citoyenneté d’un pays particulier.

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Note 16

Soos c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 455, para 24-25. La Commission n'a pas étayé sa conclusion selon laquelle les demandeurs d'asile mineurs seraient exposés à la persécution parce qu'ils étaient « seulement “à moitié rom” ». Selon leur témoignage, ils s'identifient et les autres les identifient comme étant des Roms en raison de leurs habits, d'indicateurs culturels et de leur apparence. Cette conclusion supposait que les demandeurs d'asile cachent leur identité ethnique. La Cour a souligné que, selon un principe bien établi, il ne faut pas s'attendre à ce que les demandeurs d'asile déboutés se cachent ou nient ou refoulent des aspects innés de leur identité. Voir aussi la décision Akpojiyovwi c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 745, para 9.  

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Note 17

Dans l’affaire Reul, Jose Alonso Najera c. M.C.I. (C.F. 1re inst., IMM-326-00), Gibson, 2 octobre 2000, les demandeurs étaient le mari, la femme et leurs enfants. Ils craignaient d’être persécutés par les frères et sœurs du mari, le demandeur principal. Lui et sa mère étaient des Témoins de Jéhovah. Lorsque la mère a refusé une transfusion sanguine et est décédée, ses enfants ont accusé le demandeur principal d’avoir causé sa mort et l’ont menacé, lui et sa famille. La SSR a conclu que la crainte était fondée sur une dispute familiale et non sur un motif énoncé dans la Convention. La Cour était convaincue que les demandeurs avaient démontré qu’ils craignaient avec raison, sur les plans subjectif et objectif, d’être persécutés au Mexique du fait de leurs croyances religieuses.

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Note 18

Fosu, Monsieur Kwaku c. M.E.I. (C.F. 1re inst., A-35-93), Denault, 16 novembre 1994. Décision publiée : Fosu c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1994), 27 Imm. L.R. (2e) 95 (C.F. 1re inst.), à 97; la Cour a retenu l’interprétation de la liberté de religion contenue dans le Guide du HCR.

Voir aussi Chabira, Brahim c. M.E.I. (C.F. 1re inst., IMM-3165-93), Denault, 2 février 1994. Décision publiée : Chabira c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1994), 27 Imm. L.R. (2e) 75 (C.F. 1re inst.), concernant un demandeur d’asile qui a été persécuté pour ne pas s’être conformé aux coutumes islamiques de sa petite amie.

Dans l’affaire Bediako, Isaac c. S.G.C. (C.F. 1re inst., IMM-2701-94), Gibson, 22 février 1995, la Cour renvoie aux paragraphes 18(3) et 19(3) de la Déclaration universelle des droits de l’homme qui traitent de la question des restrictions justifiées des pratiques religieuses.

Dans l’affaire Mu, Pei Hua c. M.C.I. (C.F., IMM-9408-04), Harrington, 17 novembre 2004; 2004 CF 1613, le demandeur d’asile avait établi que le mouvement Falun Gong préconisait pour ses adeptes la pratique en « groupe ». La Cour a conclu que le fait de rendre témoignage de sa foi en public était un aspect fondamental de bon nombre de religions et que l’arrêt de la Cour suprême du Canada, Syndicat Northcrest (voir la note 22 ci-après), a pour effet d’élargir et non de restreindre le concept d’actes religieux publics. La manière particulière dont une personne pratique ses croyances religieuses est une considération valable.

Dans l’affaire Saiedy, Abbas c. M.C.I. (C.F. 1re inst., IMM-9198-04), Gauthier, 6 octobre 2005; 2005 CF 1367, le demandeur, un citoyen de l’Iran, disait craindre avec raison d’être persécuté du fait qu’il était un musulman qui s’était converti au christianisme. La Cour a confirmé la décision de la SPR, à savoir que, indépendamment du fait de savoir si sa conversion était authentique, il serait discret au sujet de celle-ci et, selon la preuve documentaire, les autorités ne s’intéresseraient donc pas à lui. Cependant, dans l’affaire Jasim, Fawzi Abdulrahm c. M.C.I. (C.F., IMM-3838-02), Russell, 2 septembre 2003; 2003 CF 1017, la Cour a déclaré que la suggestion de l’agent, selon laquelle le demandeur doit éviter de faire du prosélytisme et pratiquer sa religion en privé n’est pas défendable. Il ne s’agit pas d’un choix qu’une personne devrait avoir à faire.

Dans la décision Mohebbi, supra note 9, la Cour a estimé que la SPR avait essentiellement conclu que le demandeur se devait d’être discret en Iran. Cependant, le demandeur a allégué qu’il était un chrétien évangéliste qui devait répandre la Bonne Nouvelle de l’évangile. La Cour a soutenu que ce n’était pas au tribunal de déterminer comment une personne devait pratiquer sa religion.

Dans l’affaire Zhou, Guo Heng c. M.C.I. (C.F., IMM-1674-09), de Montigny, 25 novembre 2009; 2009 CF 1210, la Cour a indiqué que la SPR avait commis une erreur en assimilant la possibilité d’une persécution religieuse au risque d’une rafle, d’une arrestation ou d’un emprisonnement. Cette manière de voir la liberté religieuse était limitée et ne prenait pas en compte la dimension publique de la liberté religieuse.

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Note 19

Zhu, Qiao Ying c. M.C.I. (C.F., IMM-589-08), Zinn, 23 septembre 2008; 2008 CF 1066. Voir aussi les affaires Zhang, Zhi Jun c. M.C.I. (C.F., IMM-369-09), O’Keefe, 6 janvier 2010; 2010 CF 9 et Chen, Yu Jing c. M.C.I. (C.F., IMM-3627-09), Mosley, 5 mars 2010; 2010 CF 258, qui illustrent le même principe. ​Cependant, dans l’arrêt Li, Chun c. M.C.I. (C.F., IMM-984-18), Gleeson, 2 octobre 2018; 2018 CF 982 la Cour a confirmé la décision de la SPR rejettant la demande d’asile d’un citoyen chinois dans laquelle la SPR a examiné le motif invoqué par le demandeur pour ne pas poursuivre la pratique de sa foi dans une église parrainée par l’État mais a conclu que les éléments de preuve étaient insuffisants pour appuyer le motif invoqué par lui.

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Note 20

Par exemple, dans l’affaire Nosakhare, Brown c. M.C.I. (C.F. 1re inst., IMM-5023-00), Tremblay-Lamer, 6 juillet 2001, le demandeur d’asile, qui s’est converti au christianisme, a fui le Nigéria parce qu’il ne voulait pas appartenir au culte Ogboni, comme son père. Selon le demandeur d’asile, le culte se livre à des sacrifices humains et au cannibalisme. La Cour a statué que la Commission avait commis une erreur quand elle a conclu à l’absence de lien. L’enlèvement et le passage à tabac du demandeur d’asile étaient des actes commis par un groupe religieux en raison des croyances religieuses du demandeur d’asile. Toutefois, dans l’affaire Oloyede, Bolaji c. M.C.I. (C.F. 1re inst., IMM-2201-00), McKeown, 28 mars 2001, la Cour a déclaré que la Commission pouvait, à la lumière de la preuve, conclure que le demandeur d’asile avait été victime des activités criminelles du culte plutôt que de persécution de nature religieuse. Cette demande d’asile reposait sur des motifs d’appartenance à un groupe social, soit les enfants de membres du culte qui refusent de suivre les traces de leur père. Le demandeur d’asile a soutenu que sa vie était menacée s’il ne ralliait pas les rangs du culte Vampire. Il a également soutenu en vain qu’il était chrétien et que s’il devait retourner au Nigéria, il serait obligé de participer aux activités du culte parce qu’il ne pourrait pas obtenir la protection de l’État.

Dans l’affaire Ajayi, Olushola Olayin c. M.C.I. (C.F., IMM-5146-06), Martineau, 5 juin 2007; 2007 CF 594, la demandeure d’asile a dit que sa belle mère voulait l’exciser et que son père voulait la forcer à participer à un rituel initiatique. Elle a aussi dit craindre des puissances ou des êtres surnaturels. La Cour a statué qu’il n’était pas manifestement déraisonnable de conclure que la demandeure d’asile n’avait aucune crainte objective de persécution. La crainte d’une personne à l’égard de la magie ou de la sorcellerie peut être réelle sur le plan subjectif, mais, objectivement parlant, l’État ne peut accorder une protection efficace contre la magie ou la sorcellerie, ni contre des puissances surnaturelles ou des êtres de l’au-delà. L’État ne peut se préoccuper que des actes de ceux qui participent à de tels rituels, mais, en l’espèce, la demandeure d’asile a affirmé qu’elle ne craignait ni sa belle mère ni son père.

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Note 21

Yang, Hui Qing c. M.C.I. (C.F. 1re inst., IMM-6057-00), Dubé, 26 septembre 2001. Dans cette affaire, la demandeure d’asile craignait d’être persécutée par les autorités en Chine en raison de son adhésion aux croyances et aux pratiques du mouvement Falun Gong. La Cour a statué que la SSR aurait dû conclure que le Falun Gong était à la fois en partie une religion et en partie un groupe social et que les opinions politiques n’étaient clairement pas un motif pour cette demande d’asile. Selon le raisonnement dans l’arrêt Ward, qui soutient que c’est la perspective de l’agent de persécution qui est déterminante, la religion était le motif qui s’appliquait puisque le gouvernement chinois considérait le mouvement Falun Gong comme une religion. Bien qu’une question ait été certifiée en ce qui concerne la portée du mot « religion » utilisé dans le contexte de la définition de réfugié au sens de la Convention, aucun appel n’a été déposé.

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Note 22

Syndicat Northcrest c. Amselem (2004) 2 R.C.S. 551; 2004 CSC 47.

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Note 23

Kassatkine, Serguei c. M.C.I. (C.F. 1re inst., IMM-978-95), Muldoon, 20 août 1996, à 4.

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Note 24

Se reporter également à l’arrêt Syndicat Northcrest, supra, note 22, dans lequel la Cour suprême du Canada a rappelé ce qui suit (à 61) : « Aucun droit – y compris la liberté de religion – n’est absolu ».

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Note 25

Section d’appel des réfugiés, TB7-01837, Bosveld, 8 mai 2017. La décision a été désignée comme guide jurisprudentiel par le président de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (CISR) le 18 juillet 2017.

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Note 26

Ward, supra note 1, à 739.

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Note 27

Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) c. Mayers, [1993] 1 C.F. 154 (C.A.).

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Note 28

Cheung c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] 2 C.F. 314 (C.A.).

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Note 29

Matter of Acosta, décision provisoire 2986, 1985 WL 56042 (BIA-États-Unis).

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Note 30

Dans l’affaire Yang, supra note 21, la demandeure d’asile craignait d’être persécutée par les autorités de la Chine du fait de son adhésion aux croyances et pratiques du mouvement Falun Gong. Selon la Cour, le Falun Gong fait partie de la deuxième catégorie de « groupe social » énoncée dans l’arrêt Ward, car les membres s’associent volontairement pour des raisons si essentielles à leur dignité humaine qu’ils ne devraient pas être contraints à renoncer à cette association. En revanche, dans l’affaire Manrique Galvan, Edgar Jacob c. M.C.I. (C.F. 1re inst., IMM-304-99), Lemieux, 7 avril 2000, le demandeur d’asile disait appartenir à un groupe social, une association de chauffeurs de taxi, dont le but était de protéger ses membres contre les criminels. La Section du statut de réfugié a conclu que l’organisation ne constituait pas un groupe social. Après avoir examiné de façon exhaustive l’ensemble de la jurisprudence à cet égard [y compris les affaires Matter of Acosta (commission des appels de l’immigration des États-Unis) et Islam (House of Lords, Angleterre)], la Cour a conclu que la Section du statut de réfugié avait bien évalué la jurisprudence lorsqu’elle a conclu que le groupe social auquel le demandeur principal disait appartenir ne correspondait à aucune des catégories énoncées dans l’arrêt Ward, et surtout pas la deuxième catégorie, parce que, même si le droit de travailler est un droit fondamental, le droit d’être un chauffeur de taxi dans la ville de Mexico ne l’est pas nécessairement.

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Note 31

Ward, supra note 1, à 739. Dans l’affaire Chekhovskiy, Alexey c. M.C.I. (C.F., IMM-5086-08), de Montigny, 25 septembre 2009; 2009 CF 970, la Cour a indiqué que le fait de prétendre que le demandeur d’asile, en tant que membre du groupe formé d’entrepreneurs en construction, faisait partie d’un groupe associé par un ancien statut volontaire et immuable, banaliserait la notion de groupe social qui est incompatible avec l’analyse fondée sur les motifs analogues élaborée dans le contexte du droit en matière de lutte contre la discrimination et peu favorable à la réalisation de l’objet de la protection des réfugiés au sens de la Convention.

Dans l’affaire Garcia Vasquez, Fredis Angel c. M.C.I. (C.F., IMM-4341-10), Scott, 19 avril 2011; 2011 CF 477, la Cour a jugé qu’il était raisonnable pour la SPR de conclure que l’appartenance temporaire du demandeur d’asile aux forces armées n’atteignait pas le niveau d’une « caractéristique immuable » qui serait analogue à un motif antidiscriminatoire.

Dans l’affaire Alvarez, Luis Carlos Galvin c. M.C.I. (C.F., IMM-8496-14), Gleeson, 11 avril 2016; 2016 CF 402, la SPR a conclu que le fait d’être ingénieur ne correspondait pas à la troisième catégorie de groupe social énoncée dans l’arrêt Ward. Au paragraphe 11, la Cour a déclaré que, même si elle n’était pas prête à conclure que le statut d’ingénieur d’un demandeur d’asile ne satisfera jamais aux exigences d’appartenance à un groupe social, la conclusion de la SPR dans cette affaire n’était pas déraisonnable. L’emploi et le poste ont été déterminés comme ne soulevant habituellement aucune question en lien avec les thèmes de la défense des droits de la personne et la lutte contre la discrimination justifiant la protection internationale des réfugiés.

Dans l’affaire Godoy Cerrato, Dora Miroslava c. M.C.I. (C.F., IMM-7141-13), Shore, 13 février 2015; 2015 CF 179, la Cour a souligné que l’emploi du demandeur d’asile comme policier au Honduras n’équivalait pas, en soi, à une appartenance à un groupe social.

Dans un certain nombre d’affaires, la Cour a souligné que les « hommes tamouls du Sri Lanka qui étaient passagers à bord du MS Sun Sea » (ou de l’Ocean Lady) ne constituaient pas un groupe social. Bien que le fait d’avoir voyagé à bord du MS Sun Sea (ou de l’Ocean Lady) ait pour effet de les placer dans un groupe défini par un ancien statut volontaire immuable, il doit y avoir quelque chose au sujet d’un groupe qui soit lié à la discrimination ou aux droits de la personne pour qu’il s’agisse d’un groupe social. Voir par exemple les affaires M.C.I. c. B380 (C.F., IMM-913-12), Crampton, 19 novembre 2012; 2012 CF 1334; M.C.I. c. B399 (C.F., IMM-3266-12), O’Reilly, 12 mars 2013; 2013 CF 260; et M.C.I. c. A25 (C.F., IMM-11547-12), Phelan, 6 janvier 2014; 2014 CF 4. Il importe de mentionner que les demandes d’asile, selon les faits de l’affaire, peuvent reposer sur d’autres motifs énoncés dans la Convention, par exemple la race, la nationalité ou les opinions politiques. Voir la décision M.C.I. c. A068 (C.F., IMM-8485-12), Gleason, 19 novembre 2013; 2013 CF 1119 pour un examen complet de la jurisprudence à ce sujet.

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Note 32

La question de savoir si l’âge entre dans la première catégorie semble dépendre de l’interprétation du terme « immuable ». Dans l’affaire Jean, Leonie Laurore c. M.C.I. (C.F., IMM-5860-09), Shore, 22 juin 2010; 2010 CF 674, la Cour a indiqué que l’âge d’une personne n’est pas immuable (paras 38 - 44). Cependant, dans l’affaire Arteaga Banegas, Cristhian Josue c. M.C.I., (C.F., IMM-5322-14), Shore, 13 janvier 2015, 2015 CF 45, para 26, le juge Shore cite – et semble approuver – la Guidance Note on Refugee Claims Relating to Victims of Organized Crime [note d’orientation sur les demandes d’asile présentées par des victimes du crime organisé] du HCR, dont le paragraphe 36 se termine par l’énoncé suivant : « L’« âge » ou la « jeunesse » est une caractéristique en tout temps immuable. »

Voir également l’affaire M.C.I. c. Patel, Dhruv Navichandra (C.F., IMM-2482-07), Lagacé, 17 juin 2008; 2008 CF 474, où la Cour a confirmé une décision de la SPR, qui a conclu que le demandeur d’asile, « un enfant abandonné », appartenait à un groupe social.

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Note 33

Ward, supra note 1, à 739.

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Note 34

Ward, supra note 1, à 738. Ainsi, la Cour a affirmé, à 745, qu’une association, telle que l’armée de libération nationale irlandaise (INLA), qui est vouée à la réalisation d’objectifs politiques par n’importe quel moyen, y compris la violence, ne constitue pas un groupe social, et forcer ses membres à renoncer à cet objectif « n’équivaut pas à une abdication de leur dignité humaine ».

Dans la décision Orphée, Jean Patrique c. M.C.I. (C.F., IMM-251-11), Scott, 29 juillet 2011; 2011 CF 966, la Cour a conclu que la SPR n’avait pas commis d’erreur lorsqu’elle a établi que le demandeur d’asile, membre d’une association de chauffeurs de taxi, n’appartenait pas à un groupe social et que le métier de chauffeur de taxi ne constituait pas une caractéristique innée ou essentielle à la dignité humaine, surtout compte tenu du fait qu’il a admis qu’il changerait de métier s’il devait retourner en Haïti.

Dans l’affaire Trujillo Sanchez, Luis Miguel c. M.C.I. (C.A.F., A-310-06), Richard, Sharlow, Malone, 8 mars 2007; 2007 CAF 99, le demandeur d’asile était employé par le gouvernement en tant qu’ingénieur. Il exploitait parallèlement une entreprise dont l’activité consistait à signaler aux autorités municipales de Bogotá les infractions au règlement municipal sur les enseignes. En raison de ces activités, il a été menacé et enlevé à deux reprises par les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), qui avaient exigé de lui qu’il cesse de signaler les infractions. La Cour d’appel fédérale a convenu que le demandeur d’asile disposait d’une solution de rechange pouvant éliminer tout risque futur de préjudice; il pouvait choisir de renoncer à exploiter son entreprise parallèle. La Cour a poursuivi en affirmant que, « en renonçant à son entreprise parallèle, [le demandeur d’asile] ne renonce aucunement à sa liberté religieuse, à une caractéristique personnelle immuable, ou à la libre expression de ses opinions politiques. Ajoutons qu [‘il] n’a pas été privé des moyens de gagner sa vie. »

Dans l’affaire Malik c. M.C.I., 2019 CF 955, la Cour a soutenu qu’un différend successoral n’a pas de lien avec l’un des motifs prévus dans la Convention.

Voir aussi l’affaire Losowa Osengosengo, Victorine c. M.C.I. (C.F., IMM-4132-13), Gagné, 13 mars 2014; 2014 CF 244, para 34. La demandeure d’asile était une religieuse franciscaine originaire de la République démocratique du Congo (RDC). La SPR a affirmé qu’elle serait en sécurité si elle déménageait à Kinshasa, où elle pourrait gagner sa vie en tant qu’enseignante et vivre avec sa famille. La Cour a soutenu que la SPR avait commis une erreur et qu’il était légitime de la part de la demandeure d’asile, en tant que religieuse, d’insister pour continuer à vivre au sein de sa communauté puisqu’il s’agissait de son obligation et que son retour en RDC en tant que membre de la communauté des sœurs franciscaines risquait de compromettre inutilement ses moyens de subsistance.

Voir aussi l’affaire Antoine, Belinda c. M.C.I. (C.F., IMM-4967-14), Fothergill, 26 juin 2015; 2015 CF 795, où l’agente d’ERAR avait laissé entendre que, pour éviter la persécution, la demanderesse devait continuer d’éviter d’adopter un style de vie de lesbienne trop apparent. La Cour a jugé qu’exiger qu’une personne fasse preuve de discrétion au sujet de son orientation sexuelle constitue une attente abusive, étant donné que cette personne doit refouler une caractéristique immuable.

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Note 35

Ward, supra note 1, à 738-739. Ainsi, la Cour a affirmé, à 745, que l’appartenance du demandeur d’asile à l’INLA l’a placé dans la situation à l’origine de la crainte qu’il éprouve, mais la crainte elle-même était fondée sur son action, et non sur son affiliation.

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Note 36

Ward, supra note 1, à 729-733. Dans l’affaire Mason, Rawlson c. S.S.C. (C.F. 1re inst., IMM-2503-94), Simpson, 25 mai 1995, le demandeur d’asile craignait d’être tué par des « bandits » de la drogue parce qu’il s’opposait au trafic de la drogue, qu’il avait fourni des renseignements et témoigné contre son frère dans le cadre de procédures pénales; la Cour a statué qu’une « personne qui a un grand sens moral et qui s’oppose au trafic de drogue » ne faisait pas partie d’un groupe social puisqu’il ne s’agissait pas d’un groupe existant dont les membres ont été par la suite victimes de persécution.

Dans l’affaire Manrique Galvan, supra note 30, la Cour a fait remarquer que la notion de groupe social s’étend au-delà de la simple association de personnes qui se regroupent en raison des mauvais traitements dont elles sont victimes.

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Note 37

Dans l’affaire M.C.I. c. Lin, Chen (C.A.F., A-3-01), Desjardins, Décary, Sexton, 18 octobre 2001, la Cour a statué, en réponse à une question certifiée, que la SSR avait commis une erreur de droit en concluant que le demandeur d’asile mineur craignait avec raison d’être persécuté du fait de son appartenance à un groupe social, à savoir « l’enfant mineur d’une famille chinoise qui doit subvenir aux besoins d’autres membres de la famille ». La SSR n’a été saisie d’aucune preuve pouvant étayer sa conclusion selon laquelle le groupe en question est ciblé par les parents ou d’autres agents de persécution. Le demandeur d’asile ne craignait pas d’être persécuté parce qu’il avait moins de 18 ans et qu’il devait subvenir aux besoins de sa famille. Il craignait les autorités de la Chine en raison de la méthode choisie pour quitter le pays.

Voir aussi la décision Xiao, Mei Feng c. M.C.I. (C.F. 1re inst., IMM-953-00), Muldoon, 16 mars 2001, où la demande d’asile était fondée sur l’appartenance à un groupe social, à savoir les enfants. Les persécuteurs présumés étaient les passeurs de clandestins qui ont fait sortir la demandeure d’asile mineure de Chine. Cependant, comme la preuve a montré que les passeurs de clandestins n’agissaient que dans un but lucratif, il n’existait pas de lien entre le préjudice craint et un motif de persécution énuméré.

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Note 38

Chan (C.A.), supra note 1.

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Note 39

Chan c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1995] 3 R.C.S. 593.

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Note 40

Chan (C.S.C.), ibid., à 672.

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Note 41

Chan (C.S.C.), supra note 39, à 658 et 672.

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Note 42

Chan (C.S.C.), supra note 39, à 642.

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Note 43

Chan (C.S.C.), supra note 39, à 642.

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Note 44

Dans l’affaire Chan (C.S.C.), supra note 39, à 643-644, le juge La Forest a affirmé que le fait d’avoir des enfants peut être considéré comme étant quelque chose qu’une personne fait plutôt que quelque chose qu’elle est réellement. En contexte, cependant, avoir des enfants fait d’une personne un parent, ce qu’elle est.

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Note 45

Chan (C.S.C.), supra note 39, à 644-646.

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Note 46

Al-Busaidy, Talal Ali Said c. M.E.I. (C.A.F., A-46-91), Heald, Hugessen, Stone, 17 janvier 1992. Décision publiée : Al Busaidy c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1992), 16 Imm. L.R. (2e) 119 (C.A.F.). Les notions d’unité familiale et de persécution indirecte, bien qu’elles soient liées à la famille, ont été clairement distinguées de la famille en tant que groupe social au sens de la Convention sur les réfugiés. Voir les affaires Pour-Shariati c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1995] 1 C.F. 767 (1re inst.) à 774-775; et Casetellanos c. Canada (Procureur général), [1995] 2 C.F. 190 (1re inst.). En ce qui concerne la notion de persécution indirecte, voir aussi la section 9.4 du chapitre 9.

La caractérisation de la famille en tant que groupe social a trait à la persécution que subirait directement une personne simplement du fait de son appartenance à une famille donnée. Les membres d’une famille n’appartiennent pas nécessairement à un groupe social, comme il est analysé dans une affaire portant sur une famille qui se dispute des terres : Forbes, Ossel O’Brian c. M.C.I. (C.F., IMM-5035-11), Hughes, 27 février 2012; 2012 CF 270, para 4-5. Dans l’affaire Musakanda, Tavonga c. M.C.I. (C.F., IMM-6250-06), O’Keefe, 11 décembre 2007; 2007 CF 1300, la SPR a rejeté les demandes d’asile des adultes, mais a conclu que les demandeurs d’asile mineurs avaient qualité de réfugié au sens de la Convention. Les demandes d’asile des adultes étaient fondées sur des opinions politiques présumées, tandis que celles des mineurs étaient fondées sur le risque qu’ils couraient d’être recrutés par les milices de jeunes au Zimbabwe. Il n’a pas été établi devant la Commission que la famille en tant que cellule était persécutée.

Dans la décision Granada, Armando Ramirez c. M.C.I. (C.F., IMM-83-04), Martineau, 21 décembre 2004; 2004 CF 1766, para 15, la Cour a précisé qu’une personne ne peut être considérée comme un réfugié simplement parce qu’un membre de sa famille est persécuté et que les demandeurs d’asile devaient établir qu’ils étaient ciblés par les agents de persécution personnellement ou en tant que membres d’une collectivité. Dans une affaire précédente tranchée par le même juge, Macias, Laura Mena c. M.C.I. (C.F., IMM-1040-04), Martineau, 16 décembre 2004; 2004 CF 1749, para 13, la Cour a indiqué que pour que la famille immédiate soit considérée comme un groupe social, le demandeur d’asile doit uniquement prouver qu’il existe un lien manifeste entre la persécution dont est l’objet un membre de sa famille et la persécution dont il est lui-même victime.

Dans l’affaire Tomov, Nikolay Haralam c. M.C.I. (C.F., IMM-10058-04), Mosley, 9 novembre 2005; 2005 CF 1527, le demandeur, un citoyen de la Bulgarie, a demandé l’asile en raison de son appartenance à la famille rom de sa conjointe de fait et de l’agression dont il a été victime en présence de sa conjointe. La Cour a rappelé que la famille était reconnue comme un groupe social valable aux fins d’une demande d’asile. En l’espèce, il existait un lien suffisant entre la demande d’asile du demandeur et la persécution subie par sa conjointe. La Commission a commis une erreur quand elle a exigé que le demandeur établisse qu’il serait personnellement ciblé, indépendamment de sa relation avec sa conjointe.

Cependant, pour qu’une demande d’asile par filiation fondée sur l’appartenance à une famille soit accueillie, le membre de la famille qui est la cible principale de persécution doit faire l’objet d’une persécution en raison d’un motif énoncé dans la Convention. Voir l’affaire Rodriguez, Ana Maria c. M.C.I. (C.F. 1re inst., IMM-4573-96), Heald, 26 septembre 1997, où la demandeure d’asile pouvait subir un préjudice parce que son époux était impliqué dans des affaires de drogue de la mafia. La Cour a soutenu que la SSR n’avait pas commis d’erreur en affirmant que la demandeure d’asile n’appartenait pas à un « groupe social » au sens de la définition établie dans la Convention, puisque ses difficultés découlaient uniquement de ses liens avec son époux, qui était une cible pour des motifs non énoncés dans la Convention.

Ce raisonnement a été suivi dans l’affaire Klinko, Alexander c. M.C.I. (C.F. 1re inst., IMM-2511-97), Rothstein, 30 avril 1998, où la Cour a statué que lorsque la victime principale d’une persécution ne répond pas à la définition de réfugié au sens de la Convention, toute demande de statut connexe fondée sur l’appartenance au groupe de la famille ne saurait être accueillie. (La décision dans l’affaire Klinko a été infirmée par la Cour d’appel fédérale pour d’autres motifs : Klinko, Alexander c. M.C.I. (C.A.F., A-321-98), Létourneau, Noël, Malone, 22 février 2000.)

Voir également la décision Asghar, Imran Mohammad c. M.C.I. (C.F., IMM-8239-04), Blanchard, 31 mai 2005; 2005 CF 768, où le fils d’un policier craignait des terroristes que son père avait arrêtés.

Dans l’affaire Ramirez Aburto, Williams c. M.C.I. (C.F., IMM-7680-10 et IMM-7683-10), Near, 6 septembre 2011; 2011 CF 1049, il a été conclu qu’il n’existait pas de lien pour les membres de la famille d’hommes d’affaires ciblés par des gangs criminels à des fins d’extorsion.

Dans l’affaire Nyembua, Placide Ntaku W c. M.C.I. (C.F., IMM-7933-14), Gascon, 14 août 2015; 2015 CF 970, la demande d’asile de M. Nyembua était fondée sur l’appartenance à un groupe social, la famille de son fils. Même s’il a allégué que son fils avait tenté de dénoncer la corruption dans son unité de l’armée congolaise, il n’y avait pas assez d’éléments de preuve pour soutenir le fait que son fils avait dénoncé la corruption ou qu’une telle dénonciation découlait des opinions politiques de son fils. La Cour a jugé qu’il n’était pas déraisonnable pour la SPR de conclure que le fils était pourchassé pour désertion, et non en raison de ses opinions politiques, et que M. Nyembua n’avait pas réussi à montrer qu’il ferait face à un risque en tant que membre de la famille d’une personne qui craignait la persécution.

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Note 47

Dans la décision Pizarro, Claudio Juan Diaz c. M.E.I. (C.F. 1re inst., IMM-2051-93), Gibson, 11 mars 1994, la première question abordée par la SSR était de savoir si l’orientation sexuelle du demandeur d’asile, en soi, faisait en sorte qu’il appartenait à un groupe social. La SSR a conclu que ce n’était pas le cas, mais la Cour fédérale a soutenu que la question ne faisait plus aucun doute puisque la Cour suprême du Canada avait tiré une conclusion contraire dans l’arrêt Ward, supra note 1.

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Note 48

Rodriguez, Juan Carlos Rodriguez c. M.E.I. (C.F. 1re inst., IMM-4109-93), Dubé, 25 octobre 1994. Selon l’opinion de la Cour, il est clair qu’un groupe participant volontairement à des activités syndicales faisait partie de la deuxième catégorie énoncée dans l’arrêt Ward : « les groupes dont les membres s’associent volontairement pour des raisons si essentielles à leur dignité humaine qu’ils ne devraient pas être contraints à renoncer à cette association ».

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Note 49

Dans l’affaire Sinora, Frensel c. M.E.I. (C.F. 1re inst., 93-A-334), Noël, 3 juillet 1993, le juge Noël a mentionné ce qui suit : « Il est important de noter que ce groupe [les pauvres] a été reconnu comme un groupe social par la Cour d’appel fédérale. » Malheureusement, le juge Noël ne précise pas la référence de la décision de la Cour d’appel, mais il aurait pu se référer à la décision Orelien c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 C.F. 592, où la Cour était saisie d’une décision du tribunal chargé d’établir l’existence d’un minimum de fondement. La demande d’asile en l’espèce était fondée sur l’appartenance au groupe social des « pauvres et des déshérités de Haïti ». La thèse soutenue devant le tribunal chargé d’établir l’existence d’un minimum de fondement était que tous les Haïtiens qui se trouvent à l’extérieur de leur pays peuvent revendiquer avec un minimum de fondement la qualité de réfugié au sens de la Convention, et non pas que tous les Haïtiens sont des réfugiés. Le tribunal chargé d’établir l’existence d’un minimum de fondement a conclu qu’« il serait absurde de retenir la proposition […] selon laquelle tous les Haïtiens sont des réfugiés, car ce serait là offrir une protection internationale aussi bien aux victimes qu’à ceux qui commettent des crimes ». La Cour a convenu que le tribunal n’avait pas bien compris l’argument : « En toute déférence, il ne va pas de soi que les ressortissants d’un pays qui ont fui ce dernier puissent ne pas craindre avec raison d’être persécutés du fait de leur nationalité s’ils étaient renvoyés dans ce pays ». Toutefois, le juge Mahoney de la Cour a également mentionné ce qui suit : « Si je comprends bien le tribunal, je suis porté à être d’accord avec lui sur le point suivant : rien ne distingue la prétention des requérants d’être persécutés du fait de leur appartenance à ce groupe social particulier [les pauvres et les déshérités], de leur prétention d’être persécutés du fait de leur nationalité haïtienne elle-même. »

Dans l’affaire Mia, Samsu c. M.C.I. (C.F., IMM-2677-99), Tremblay-Lamer, 26 janvier 2000, un domestique travaillant au haut-commissariat du Bangladesh a demandé l’asile en raison de son appartenance à un groupe social, les pauvres. Après qu’il eut parlé de ses expériences à une émission de télévision, lui et sa famille au Bangladesh ont reçu des menaces. Il semble que ni la SSR ni la Cour n’aient contesté l’existence d’un groupe social composé des pauvres, mais la Cour a estimé qu’il était raisonnable pour le commissaire de conclure que le demandeur d’asile était victime d’une vendetta personnelle plutôt que d’actes de persécution liés à ce groupe.

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Note 50

Dans l’affaire Mortera, Senando Layson c. M.E.I. (C.F. 1re inst., A-1084-92), McKeown, 8 décembre 1993, le demandeur d’asile était une personne fortunée et un propriétaire foncier des Philippines. La Cour a rejeté l’argument selon lequel il appartenait à la troisième catégorie de groupe social énumérée dans l’arrêt Ward.

Voir aussi la décision Wilcox, Manuel Jorge Enrique Tataje c. M.E.I. (C.F. 1re inst., A-1282-92), Reed, 2 novembre 1993, dans laquelle la Cour a affirmé que les Péruviens de la classe moyenne supérieure, qui craignaient l’extorsion contre les gens fortunés, ne pouvaient pas alléguer faire l’objet de persécution selon la définition de réfugié au sens de la Convention.

Dans l’affaire Karpounin, Maxim Nikolajevitsh c. M.E.I. (C.F. 1re inst., IMM-7368-93), Jerome, 10 mars 1995, la Cour a rejeté l’argument selon lequel le statut du demandeur d’asile en tant que personne ayant du succès sur le plan financier en Ukraine faisait en sorte qu’il appartenait à un groupe social dont les membres s’associent volontairement « pour des raisons si essentielles à leur dignité humaine qu’ils ne devraient pas être contraints à renoncer à cette association ».

Dans l’affaire Montchak, Roman c. M.C.I. (C.F. 1re inst., IMM-3068-98), Evans, 7 juillet 1999, au para 4, la Cour résume l’état du droit : « Une jurisprudence abondante de la Cour confirme que les personnes qui ont gagné beaucoup d’argent dans les affaires ne constituent pas "un certain groupe social" et que si, par conséquent, leur richesse attire sur eux l’attention des criminels, elles ne peuvent pas prétendre craindre d’être persécutées pour un motif prévu dans la Convention. »

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Note 51

Dans l’affaire Ward, supra note 1, à 731, la Cour a dit : « Dans les "affaires de guerre froide", les capitalistes étaient persécutés non pas à cause de leurs activités contemporaines, mais à cause de la situation antérieure que leur imputaient les leaders communistes ». Ainsi, dans Lai, Kai Ming c. M.E.I. (C.A.F., A-792-88), Marceau, Stone, Desjardins, 18 septembre 1989. Décision publiée : Lai c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1989), 8 Imm. L.R. (2e) 245 (C.A.F.), à 245-246, la Cour a implicitement reconnu que des « personnes avec des antécédents capitalistes » constituent un groupe social en Chine.

Cependant, dans l’affaire Karpounin, supra note 50, la Cour a affirmé, à 4 : « [...] il ne s’ensuit pas nécessairement que parce qu’à l’origine, on avait inclus l’expression "groupe social" dans la Convention pour protéger les capitalistes et les hommes d’affaires indépendants fuyant la persécution des pays du bloc de l’Est à l’époque de la guerre froide, on doive conclure que le [demandeur] en l’espèce était persécuté précisément pour cette raison ». La SSR avait conclu que le demandeur d’asile, qui était un homme d’affaires indépendant, avait été ciblé en raison de sa situation financière et non pas à cause de son métier ou de son sens moral.

Dans l’affaire Étienne, Jacques c. M.C.I. (C.F., IMM-2771-06), Shore, 25 janvier 2007; 2007 CF 64, la Cour a confirmé la décision de la SPR selon laquelle le fait d’acquérir une fortune ou de gagner à la loterie ne constitue pas une appartenance à un groupe social.

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Note 52

Dans l’affaire Narvaez, supra note 8, le juge McKeown a cité de longs extraits de l’arrêt Ward, supra, note 1, ainsi que des Directives du président de la CISR concernant la persécution fondée sur le sexe lorsqu’il a conclu que « les femmes victimes de violence conjugale en Équateur » forment un groupe social; le jugement n’a pas abordé la question de savoir si le groupe peut être défini en fonction de la persécution crainte. (Dans Ward, supra, note 1, à 729-733, la Cour a rejeté l’idée qu’un « groupe social » puisse être défini du seul fait de la persécution crainte, c.-à-d. la victimisation commune.)

Le raisonnement dans la décision Narvaez, supra, note 8, a été explicitement adopté dans l’affaire Diluna, Roselene Edyr Soares c. M.E.I. (C.F. 1re inst., IMM-3201-94), Gibson, 14 mars 1995. Décision publiée : Diluna c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1995), 29 Imm. L.R. (2e)156 (C.F. 1re inst.), où la Cour a conclu que la SSR avait commis une erreur lorsqu’elle n’a pas reconnu que les « femmes victimes de violence conjugale au Brésil » constituaient un groupe social.

Dans l’affaire Hernandez Cornejo, Lisseth Noemi c. M.C.I. (C.F., IMM-5751-11), Rennie, 19 mars 2012; 2012 CF 325, la Cour a souligné que le fait qu’un homme traque son ancienne petite amie avec acharnement demeure une persécution que la femme subit en raison de son sexe même si l’homme en question a également, pour tenter de regagner l’affection de la femme, harcelé les hommes de son entourage.

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Note 53

Sebok, Judit c. M.C.I. (C.F., IMM-2893-12), Snider, 21 septembre 2012, 2012 CF 1107.

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Note 54

Vidhani c. M.C.I., [1995] 3 C.F. 60 (1re inst.); la Cour a expressément tenu compte des directives de la CISR intitulées Revendicatrices du statut de réfugié craignant d’être persécutées en raison de leur sexe et a conclu qu’un des droits fondamentaux de ces femmes (le droit de se marier de leur propre gré) a été violé et que celles-ci semblaient entrer dans la première catégorie établie dans l’arrêt Ward, supra note 1.

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Note 55

Cius, Ligene c. M.C.I. (C.F., IMM-406-07), Beaudry, 7 janvier 2008; 2008 CF 1, para 14-21. Toutefois, voir la note 85, ci-après.

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Note 56

Annan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1995] 3 C.F. 25 (1re inst.); la Cour a semblé reconnaître implicitement que la demande d’asile était fondée. Voir aussi les directives de la CISR intitulées Revendicatrices du statut de réfugié craignant d’être persécutées en raison de leur sexe, où cette affaire est mentionnée dans la note de fin de document 14.

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Note 57

Cheung, supra note 30, à 322, (« en Chine, les femmes qui ont plus d’un enfant et font face à la stérilisation forcée »).

Mais voir l’affaire Liu, Ying Yang c. M.C.I. (C.F. 1re inst., IMM-4316-94), Reed, 16 mai 1995, où la Cour a statué que la demandeure d’asile n’avait pas démontré qu’elle craignait subjectivement d’être persécutée à cause de la menace de stérilisation et qu’il n’avait pas été prouvé qu’elle s’opposait à la politique gouvernementale.

Voir également l’affaire Chan (C.S.C.), supra note 39, à 644-646, où monsieur le juge La Forest (dissident) décrit le groupe de la deuxième catégorie établie dans l’arrêt Ward (voir la section 4.5 du présent chapitre) comme une association ou un groupe dont « [les] membres ont tenté, ensemble, d’exercer un droit fondamental de la personne » (à 646), à savoir « [le] droit fondamental de tous les couples et individus de décider librement et en toute connaissance du moment où ils auront des enfants, du nombre d’enfants qu’ils auront et de l’espacement des naissances » (à 646). Pour plus de détails sur la politique de l’enfant unique en vigueur en Chine, voir la section 9.3.7 du chapitre 9.

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Note 58

Badran, Housam c. M.C.I. (C.F. 1re inst., IMM-2472-95), McKeown, 29 mars 1996.

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Note 59

Reynoso, Edith Isabel Guardian c. M.C.I. (C.F. 1re inst., IMM-2110-94), Muldoon, 29 janvier 1996. Monsieur le juge Muldoon a statué que le groupe dont faisait partie la demandeure d’asile était défini par une caractéristique innée ou immuable; les membres avaient acquis des connaissances qui les mettaient en danger. Bien que la Cour ait reconnu que cette caractéristique était acquise plus tard dans la vie, elle était immuable.

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Note 60

Ali, Shaysta-Ameer c. M.C.I. (C.F. 1re inst., IMM-3404-95), McKeown, 30 octobre 1996. Décision publiée : Ali c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1996), 36 Imm. L.R. (2e) 34 (C.F. 1re inst.). Dans cette affaire, la mère de la demanderesse a obtenu le statut de réfugié puisqu’elle faisait partie d’un groupe de femmes instruites (il n’y a aucune analyse pour cette constatation), mais la question à trancher dans cette affaire consistait à savoir si la Commission avait commis une erreur en refusant la demande d’asile de la fille parce qu’elle n’était pas instruite. La Cour a déclaré ce qui suit : [traduction] « Je ne partage pas ce raisonnement, lequel signifie que si [la fille] devait revenir en Afghanistan, elle ne pourrait se soustraire à la persécution que si elle refusait d’aller à l’école. L’éducation est un droit fondamental de la personne et j’ordonne à la Commission de conclure qu’elle est une réfugiée au sens de la Convention. »

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Note 61

Selvaratnam, Thevananthini c. M.C.I. (C.F., IMM-520-15), Annis, 19 janvier 2016; 2016 CF 50 (citoyenne tamoule du nord du Sri Lanka).

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Note 62

Serrano, Roberto Flores c. M.C.I. (C.F. 1re inst., IMM-2787-98), Sharlow, 27 avril 1999. La Cour a certifié une question à cet égard, mais aucun appel n’a été interjeté.

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Note 63

Dans l’affaire Liaqat, Mohammad c. M.C.I. (C.F. 1re inst., IMM-9550-04), Teitelbaum, 23 juin 2005; 2005 CF 893, le demandeur avait fait l’objet d’un diagnostic de schizophrénie et de dépression avec caractéristiques psychotiques. Dans le cadre d’un contrôle judiciaire d’une décision défavorable rendue à l’issue d’un ERAR, le demandeur a soutenu que sa maladie mentale constituait une caractéristique innée et immuable, bien que sa gravité puisse varier selon les traitements. Le ministre a semblé concéder que le demandeur était un membre d’un groupe social en raison de sa maladie mentale, et la Cour était d’accord.

Dans l’affaire Jasiel, Tadeusz c. M.C.I. (C.F., IMM-564-05), Teitelbaum, 13 septembre 2005; 2005 CF 1234, le demandeur, un citoyen de la Pologne âgé de 50 ans, avait fondé sa demande d’asile sur le fait qu’il était confronté à un grave problème d’alcool et que s’il devait retourner en Pologne, il ferait une rechute et serait interné dans un hôpital psychiatrique en raison de son état. La Cour a confirmé la conclusion de la Commission, selon laquelle le demandeur n’avait pas réussi à établir un lien entre son problème d’alcool et les motifs liés à la définition de réfugié au sens de la Convention.

Dans l’affaire M.C.I. c. Oh, Mi Sook (C.F., IMM-5048-08), Pinard, 22 mai 2009; 2009 CF 506, la demandeure d’asile mineure a été considérée comme appartenant à un groupe social, celui des « enfants des personnes atteintes de maladie mentale ».

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Note 64

Dans l’affaire A.B. c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), (C.F., IMM-3522-05), Barnes, 5 avril 2006; 2006 CF 444, la SPR a reconnu que le demandeur d’asile, dont l’allégation de persécution était fondée sur le fait que les personnes atteintes du VIH/sida sont stigmatisées et font l’objet de discrimination et de mauvais traitements, satisfaisait à l’exigence de l’appartenance à un groupe social, c’est à dire les personnes craignant d’être persécutées en raison d’une caractéristique personnelle immuable. L’existence d’un lien avec la définition a été admise, mais la demande d’asile a été rejetée parce qu’elle ne correspondait pas à d’autres éléments de la définition. La Cour a accueilli le contrôle judiciaire pour d’autres motifs.

Dans l’affaire Rodriguez Diaz, Jose Fernando c. M.C.I. (C.F., IMM-4652-07), O’Keefe, 6 novembre 2008, la Cour indique que les personnes séropositives constituent un groupe social.

Voir aussi la décision Mings-Edwards, Ferona Elaine c. M.C.I. (C.F., IMM-3696-10), Mactavish, 26 janvier 2011; 2011 CF 91, où il y a une constatation implicite selon laquelle le statut des « femmes atteintes du VIH » peut permettre d’établir un lien avec la définition de réfugié.

Voir aussi l’affaire A.B. c. M.C.I., 2019 CF 1339, dans laquelle la Cour a implicitement établi un lien avec la séropositivité au VIH lorsqu’elle a conclu que l’agent d’examen des risques avant renvoi avait commis une erreur en n’examinant pas l’incidence de la séropositivité au VIH du demandeur sur son risque de persécution dans l’avenir.

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Note 65

Patel, supra note 32.

Il convient de souligner que l’âge en soi n’est pas une caractéristique immuable : Jean, supra, note 32.

Dans l’affaire Woods, Kinique Kemira c. M.C.I. (C.F., IMM-4863-06), Beaudry, 26 mars 2007; 2007 CF 318, la demandeure d’asile, âgée de 12 ans, avait peur de retourner dans son pays parce qu’elle serait essentiellement abandonnée à elle-même, obligée de se débrouiller seule, étant à la rue, parce que le régime social pour les enfants de Saint-Vincent est inadéquat pour subvenir à ses besoins. La Cour a soutenu que bien que la situation de la demandeure d’asile incite à la compassion, il n’en demeure pas moins qu’elle n’a pas prouvé le bien-fondé de sa demande d’asile.

Voir également l’affaire M.C.E. c. M.C.I. (C.F., IMM-1116-10), Beaudry, 16 novembre 2010; 2010 CF 1140, où la Cour a souligné que, maintenant que la demanderesse était une adulte, les craintes qu’elle avait lorsqu’elle était enfant ne sont plus pertinentes.

Cependant, dans la décision Moradel c. M.C.I., 2019 CF 404, la Cour a conclu que le défaut de tenir compte du risque au titre de l’article 96 auquel la demandeure d’asile était exposée en tant que « jeune femme » constituait une erreur, et elle a expressément établi une différence entre le risque auquel était exposée la demandeure d’asile mineure par rapport à celui auquel était exposée sa mère, notant que, selon la documentation, les jeunes femmes étaient particulièrement vulnérables.

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Note 66

Dans l’affaire Martinez Menendez, Mynor c. M.C.I. (C.F., IMM-3830-09), Boivin, 25 février 2010; 2010 CF 221, la Cour a affirmé qu’il était raisonnable pour la SPR de conclure que les gangs ne constituaient pas un gouvernement de facto et que le refus d’être victime d’une extorsion et de leur payer ce qui est demandé ne serait pas vu comme un acte politique. Voir aussi l’arrêt Salazar, Eber Isai Oajaca c. M.C.I. (C.F., IMM-2166-17), Kane, 26 janvier 2018; 2018 CF 83 où la Cour a conclu qu’un risque lié aux représailles pour avoir refusé des offres d’emploi de personnes qui appartenaient à des gangs au Guatémala ne constituait pas un lien pour le motif d’opinion politique imputée.

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Note 67

Ward, supra note 1, à 746. Le terme « engagé » a été interprété dans l’affaire Femenia, Guillermo c. M.C.I. (C.F. 1re inst., IMM-3852-94), Simpson, 30 octobre 1995. Les demandeurs d’asile soutenaient que leur opinion politique était qu’ils s’opposaient à l’existence de policiers corrompus et qu’ils recommandaient que ceux-ci soient révoqués et poursuivis en justice. Selon eux, il s’agissait d’une opinion sur une question « dans laquelle l’appareil étatique, gouvernemental et politique peut être engagé ». La juge Simpson a conclu que l’État était « engagé » dans la prestation de services policiers, mais non dans les actes criminels commis par des agents corrompus. À son avis, il ne s’agissait pas d’une conduite officiellement sanctionnée, tolérée ni appuyée par l’État et, par conséquent, l’opinion politique attribuée aux demandeurs d’asile ne satisfaisait pas aux critères d’une opinion politique énoncés dans l’arrêt Ward, supra, note 1. Dans la décision Klinko, supra, note 45, la Cour d’appel a rejeté l’approche adoptée par la Section de première instance dans l’affaire Femenia, jugeant qu’il s’agissait d’une interprétation trop restrictive de l’arrêt Ward. La Cour a répondu par l’affirmative à la question certifiée suivante :

Le dépôt d’une plainte publique au sujet des agissements corrompus largement répandus de douaniers et de policiers relevant d’une autorité gouvernementale régionale et la persécution dont le plaignant est par la suite victime en raison du dépôt de cette plainte alors que ces agissements corrompus ne sont pas officiellement sanctionnés, tolérés ou appuyés par l’État constituent-ils l’expression d’une opinion politique au sens où cette expression est employée dans la définition du réfugié au sens de la Convention au paragraphe 2(1) de la Loi sur l’immigration?

Voir aussi l’affaire Berrueta, Jesus Alberto Arzola c. M.C.I. (C.F. 1re inst., IMM-2303-95), Wetston, 21 mars 1996, où la Cour a infirmé la décision de la SSR au motif que cette dernière n’avait pas convenablement analysé les faits pour trancher la question des opinions politiques. Pour ce qui est de la corruption, la Cour a mentionné, à 2 : « La corruption est monnaie courante dans certains pays. La dénoncer c’est, dans certains cas, attenter à l’autorité même de ces États ».

Voir aussi la décision Zhu, Yong Qin c. M.C.I. (C.F. 1re inst., IMM-5678-00), Dawson, 18 septembre 2001, où le demandeur d’asile a reçu une assignation à comparaître pour témoigner contre des passeurs de clandestins. La Cour a conclu que la SSR avait commis une erreur dans son analyse de la demande d’asile sur place de M. Zhu, donnant une interprétation trop limitée des termes « opinion politique », en se demandant seulement si les gestes du demandeur d’asile seraient perçus par les autorités chinoises comme opposés à leurs opinions et en restreignant l’opinion imputée à ce qui constitue une remise en question de l’appareil gouvernemental, plutôt que de se demander si le gouvernement chinois ou l’appareil étatique « peut être engagé » dans le passage de clandestins.

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Note 68

Ward, supra note 1, à 746.

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Note 69

Ward, supra note 1, à 746. Dans l’affaire Sopiqoti, Spiro c. M.C.I. (C.F., IMM-5640-01), Martineau, 29 janvier 2003; 2003 CF 95, la Cour a conclu que la déclaration du demandeur d’asile selon laquelle il n’avait jamais exercé d’activités politiques et qu’il ignorait les idéologies politiques dans son pays ne dispensait pas le tribunal de son devoir d’examiner si les gestes du demandeur d’asile, tels que refuser de faire tirer sur une foule de manifestants pour la démocratie, pouvaient être considérés comme des activités politiques. Même si les actes de persécution dont le demandeur d’asile dit avoir été la cible ont pu être posés pour des motifs d’ordre personnel ou pécuniaire, la SSR devait examiner si des opinions politiques avaient été imputées par l’autorité gouvernementale au demandeur d’asile.

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Note 70

Ward, supra note 1, à 747.

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Note 71

Inzunza Orellana, Ricardo Andres c. M.E.I.(C.A.F., A-9-79), Heald, Ryan, Kelly, 25 juillet 1979. Décision publiée : Inzunza c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1979), 103 D.L.R. (3e) 105 (C.A.F.), à 109. Voir aussi l'arrêt Ismailov, Dilshod c. M.C.I. (C.F., IMM-4286-16), Heneghan, 18 septembre 2017; 2017 CF 837 où la Cour a dit qu'il ne suffisait pas que la SAR indique simplement qu'elle ne pensait pas que l'appelant était un participant actif dans le mouvement Gülen, alors qu'elle aurait dû également aborder la question de savoir si l'appelant aurait été perçu comme un adepte du mouvement. Dans l'arrêt Gopalapillai, Thinesrupan c. M.C.I. (C.F., IMM-3539-18), Grammond, 26 février 2019; 2019 CF 228, la Cour a conclu que la SPR avait commis une erreur en cherchant à savoir si le demandeur d'asile appuyait réellement les TLET. C'était la mauvaise question. Ce qui importait, c'était de savoir si le demandeur d'asile serait perçu comme tel par les autorités sri-lankaises. Dans la décision Losada Conde c. M.C.I, 2020 CF 626, la SPR a omis de se demander si les FARC attribuent couramment des opinions politiques à toutes les personnes qui leur font obstacle.

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Note 72

Zhou, Zhi Tian c. M.C.I. (C.F., IMM-385-12), Zinn, 30 octobre 2012; 2012 CF 1252.

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Note 73

Ni, Kong Qiu c. M.C.I. (C.F., IMM-229-18), Walker, 25 septembre 2018; 2018 CF 948. De la même façon, dans l’arrêt Yan, Guiying c. M.C.I. (C.F., IMM-3-18), McVeigh, 25 juillet 2018; 2018 CF 781, para 21-22, malgré le fait que la demanderesse était recherchée pour avoir manifesté contre l’expropriation en Chine, « elle n’a cependant produit aucun élément de preuve à la SPR reliant cette accusation à ses opinions politiques » mais que « chaque affaire dépend des faits qui lui sont propres ». Ces décisions ont été suivies en obiter dicta dans l’arrêt Huang, Shaoqian c. M.C.I. (C.F., IMM-2022-18), Gagné, 5 février 2019; 2019 CF 148.

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Note 74

Armson, Joseph Kaku c. M.E.I. (C.A.F., A-313-88), Heald, Mahoney, Desjardins, 5 septembre 1989. Décision publiée : Armson c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1989), 9 Imm L.R. (2e) 150 (C.A.F.), à 153. Arocha c. M.C.I., 2019 CF 468.

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Note 75

Hilo, Hamdi c. M.E.I. (C.A.F., A-260-90), Heald, Stone, Linden, 15 mars 1991. Décision publiée : Hilo c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1991), 15 Imm L.R. (2e) 199 (C.A.F.), à 203.

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Note 76

Surajnarain, Doodnauth c. M.C.I. (C.F., IMM-1309-08), Dawson, 16 octobre 2008; 2008 CF 1165.

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Note 77

Dans l’affaire Arocha c. M.C.I., 2019 CF 468, la SPR et la SAR avaient toutes deux conclu que le demandeur d’asile était crédible concernant le fait qu’il s’était ouvertement opposé au parti au pouvoir au Vénézuéla, alors qu’il travaillait pour une entreprise de l’État, mais elles ont jugé que le principal incident dont il était question dans la demande d’asile, à savoir le braquage de domicile, n’était pas fondé sur un motif politique. La Cour a conclu que, au lieu de se demander si la crainte des demandeurs avait un lien avec l’un des motifs prévus dans la Convention, puis d’analyser si un tel lien pourrait mener à de la persécution à l’avenir, la SAR a indûment limité la portée de la crainte des demandeurs de faire l’objet de futures persécutions à l’incident survenu dans le passé.

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Note 78

Hilo, supra, note 75, à 202-203 (organisme de bienfaisance). Salvador (Bucheli), Sandra Elizabeth c. M.C.I. (C.F. 1re inst., IMM-6560-93), Noël, 27 octobre 1994 (témoin d’un crime commis par un groupe paramilitaire); Marvin, infra note 82 (dénonciation de trafiquants de drogue aux autorités); Kwong, Kam Wang (Kwong, Kum Wun) c. M.C.I. (C.F. 1re inst., IMM-3464-94), Cullen, 1er mai 1995 (non-conformité avec la politique de l’enfant unique) – mais comparer avec Chan (C.A.), supra, note 1, à 693-696, juge Heald, et à 721-723, juge Desjardins.

Dans l’affaire Aguirre Garcia, Marco Antonio c. M.C.I. (C.F., IMM-3392-05), Lutfy, 29 mai 2006; 2006 CF 645, le demandeur d’asile a allégué qu’il s’exposait à un châtiment en raison de son affiliation politique. La SPR a conclu toutefois que les difficultés du demandeur d’asile découlaient de son allégeance envers ses amis (qui étaient des candidats du PRI) plutôt qu’envers le parti comme tel, notant que le demandeur d’asile n’était pas lui même membre du PRI. La Cour a confirmé la conclusion de la SPR au sujet de l’absence de lien.

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Note 79

Marino Gonzalez, Francisco c. M.C.I. (C.F., IMM-3094-10), Russell, 30 mars 2011; 2011 CF 389 para 58-60.

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Note 80

Colmenares, supra note 9.

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Note 81

Makala, François c. M.C.I. (C.F. 1re inst., IMM-300-98), Teitelbaum, 17 juillet 1998. Décision publiée : Makala c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998), 45 Imm. L.R. (2e) 251 (C.F. 1re inst.).

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Note 82

Kang, Hardip Kaur c. M.C.I. (C.F., IMM-775-05), Martineau, 17 août 2005; 2005 CF 1128, para 10 : « Les victimes réelles ou potentielles de crime, de corruption ou de vendetta personnelle ne peuvent généralement pas établir un lien entre leur crainte de persécution et les motifs prévus par la Convention. »

Dans l’affaire Calero, Fernando Alejandro (Alejandeo) c. M.E.I. (C.F. 1re inst., IMM-3396-93), Wetston, 8 août 1994, la Cour a conclu qu’il n’existait pas de lien pour deux familles qui ont dû s’enfuir en raison de menaces de mort proférées par des trafiquants de drogue.

Dans l’affaire Gomez, José Luis Torres c. M.C.I. (C.F. 1re inst., IMM-1826-98), Pinard, 29 avril 1999, le demandeur d’asile a été la victime de représentants gouvernementaux corrompus responsables de vols de bétail.

Dans l’affaire Larenas, Alberto Palencia c. M.C.I. (C.F., IMM-2084-05), Shore, 14 février 2006; 2006 CF 159, la Cour a constaté que la crainte des demandeurs d’asile à l’égard de délégués syndicaux corrompus était attribuable à de la criminalité, ce qui ne constitue pas une crainte de persécution fondée sur un motif prévu par la Convention.

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Note 83

Rivero, Omar Ramon c. M.C.I. (C.F. 1re inst., IMM-511-96), Pinard, 22 novembre 1996; la Cour a confirmé la décision de la SSR selon laquelle il n’existe pas de lien lorsque le demandeur d’asile est la cible d’une vendetta personnelle, donc d’une activité criminelle, exercée par un fonctionnaire.

Voir également la décision De Arce, Rita Gatica c. M.C.I. (C.F. 1re inst., IMM-5237-94), Jerome, 3 novembre 1995. Décision publiée : De Arce c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1995), 32 Imm. L.R. (2e) 74 (C.F. 1re inst.), où la demandeure d’asile a témoigné contre son beau-frère, ce qui a mené à la déclaration de culpabilité de ce dernier, pour meurtre. La demandeure d’asile a reçu des menaces par téléphone de la part de son beau-frère et a subi diverses agressions physiques lorsqu’il a été mis en liberté. La Cour a confirmé la conclusion de la Commission selon laquelle la demandeure d’asile était victime d’une vendetta personnelle et ne répondait pas à la définition de réfugié au sens de la Convention.

Dans l’affaire Xheko, Aida Siri c. M.C.I. (C.F. 1re inst., IMM-4281-97), Gibson, 28 août 1998, les demandeurs d’asile ont été menacés et agressés lorsqu’ils ont tenté de reprendre possession de leur maison familiale qui avait été confisquée pendant le régime communiste.

Dans l’affaire Lara, Benjamin Zuniga c. M.C.I. (C.F. 1re inst., IMM-438-98), Evans, 26 février, il a été conclu que le harcèlement dont faisait l’objet le demandeur d’asile était motivé par une vendetta personnelle qui découlait d’une enquête en matière de corruption que son employeur lui avait demandé de mener.

Dans l’affaire Pena, Jose Ramon Alvarado c. M.C.I. (C.F. 1re inst., IMM-5806-99), Evans, 25 août 2000, la petite amie du demandeur d’asile (maintenant son épouse), Mme Ordonez, a obtenu le statut de réfugié du fait de la violence conjugale que lui faisait subir M. Arnulfo. Le demandeur d’asile a soutenu avoir été victime d’actes de violence aux mains de M. Arnulfo, en raison de sa relation avec Mme Ordonez. La SSR a conclu qu’il n’y avait aucun lien. La Cour a jugé que la Commission pouvait raisonnablement conclure que le demandeur d’asile avait été victime de violence en raison de la jalousie d’un rival pour l’affection de Mme Ordonez, et non pas parce qu’il était un parent victime de la violence fondée sur le sexe infligée par M. Arnulfo.

En ce qui concerne les conflits sanglants, dans la décision Zefi, Sheko c. M.C.I., (C.F., IMM-1089-02), Lemieux, 2003, CFPI 636, 21 mai 2003, au para 41, le juge Lemieux a écrit ce qui suit :

[41] Le meurtre perpétré dans le cadre d’une vendetta n’a rien à voir avec la défense des droits de la personne. Il constitue, au contraire, une violation des droits de la personne. Les familles mêlées à ces vendettas ne forment pas un groupe social au sens de la Convention. La reconnaissance de l’appartenance à un groupe social pour une raison pareille entraînerait la conséquence singulière d’accorder un statut à une activité criminelle ou d’accorder un statut en raison de ce que fait une personne plutôt que de ce qu’elle est (voir Ward).

Cependant, dans l’affaire Shkabari, Zamir c. M.C.I. (C.F., IMM-4399-11), O’Keefe, 8 février 2012; 2012 CF 177, où les demandeurs d’asile (des cousins éloignés) craignaient un préjudice en raison d’une vendetta, puisque leur mariage contrevenait au droit Karun, le droit coutumier des Albanais qui interdit le mariage entre cousins appartenant à une même lignée, la Cour a conclu que les demandeurs d’asile appartenaient à un groupe social en raison de leur association à un groupe social d’individus qui se marient en contravention au Karun, qui limite le droit internationalement reconnu de se marier librement.

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Note 84

Dans l’affaire Barrantes, Rodolfo c. M.C.I. (C.F., IMM-1142-04), Harrington, 15 avril 2005; 2005 CF 518, les demandeurs disaient craindre avec raison d’être persécutés par des criminels qui croyaient que le demandeur d’asile principal était un informateur de la police. La Cour a confirmé la conclusion de la SPR selon laquelle la crainte de persécution en tant que victime du crime organisé ainsi que la crainte de vengeance personnelle ne constituaient pas une crainte de persécution aux termes de l’article 96 de la LIPR.

Voir aussi la décision Prato, Jorge Luis Machado c. M.C.I. (C.F., IMM-10670-04), Pinard, 12 août 2005; 2005 CF 1088, où la Cour a confirmé la conclusion de la Commission selon laquelle le demandeur, qui a été kidnappé en vue d’une rançon, était vraiment une victime d’extorsion, ce qui n’a aucun lien avec l’un des motifs.

Dans l’affaire Kang, Hardip Kaur c. M.C.I. supra note 81 (C.F., IMM-775-05), Martineau, 17 août 2005; 2005 CF 1128, la crainte que l’oncle de la demanderesse lui inspirait en raison du fait qu’elle avait refusé de lui vendre un terrain, résultait de ce qu’elle avait vécu personnellement en tant que victime de crime plutôt que de son appartenance à un groupe social (c.-à-d. lié au sexe); par conséquent, aucun lien n’a été établi.

Dans l’affaire Mwakotbe, Sarah Gideon c. M.C.I. (C.F., IMM-6809-05), O’Keefe, 16 octobre 2006; 2006 CF 1227, la demanderesse a allégué qu’elle était menacée par la famille de son mari dont elle est séparée, une famille qui pratique la sorcellerie, y compris les massacres rituels de proches. La Cour a confirmé la décision de l’agente d’ERAR, qui a estimé que les membres de la belle famille de la demanderesse seraient motivés par la convoitise et que, par conséquent, le préjudice appréhendé était de nature purement criminelle. (Dans les circonstances, la Cour a soutenu qu’il était inutile pour l’agente de se demander si les membres instruits et apparemment fortunés d’un groupe familial qui pratique la sorcellerie peuvent être considérés comme un groupe social.)

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Note 85

Klinko (C.A.F.), supra note 46. Dans l’affaire Fernandez De La Torre, Mario Guillermo c. M.C.I. (C.F. 1re inst., IMM-3787-00), McKeown, 9 mai 2001, le demandeur d’asile disait craindre d’être persécuté par des éléments criminels au Mexique en raison de son association avec des personnalités importantes de la lutte contre la corruption. La Cour a estimé qu’il était raisonnable pour la SSR de conclure à l’absence de lien. La SSR avait fait une distinction raisonnable d’avec l’affaire Klinko (C.A.F.) lorsqu’elle a conclu que le demandeur d’asile n’était pas une cible politique, étant donné qu’il n’avait pas lui-même dénoncé la corruption.

Dans l’affaire Zhu, Yong Qin c. M.C.I., supra, note 67, le demandeur d’asile a soutenu être un réfugié sur place parce qu’il a fourni à la Gendarmerie royale du Canada (GRC) des renseignements sur des Coréens et des Chinois accusés d’infractions liées au passage de réfugiés clandestins. Pour cette raison, il craignait les représailles des passeurs de la Chine, malgré les mesures de répression prises par le gouvernement de la Chine contre ces derniers. La Cour a statué que les personnes qui dénoncent des activités criminelles ne constituent pas un groupe social. Toutefois, la SSR a commis une erreur lorsqu’elle a tenté d’établir une distinction d’avec l’affaire Klinko (C.A.F.). Il convient d’interpréter de manière libérale l’expression « opinions politiques », qui ne vise pas nécessairement les activités de l’État. La SSR doit se demander si le gouvernement de la Chine ou son appareil « peut être engagé » dans le trafic de personnes de manière à établir le lien nécessaire avec un motif énoncé dans la Convention.

Dans l’affaire Adewumi, Adegboyega Oluseyi c. M.C.I. (C.F. 1re inst., IMM-1276-01), Dawson, 7 mars 2002; 2002 CFPI 258, le demandeur d’asile a été ciblé par les membres de cultes après qu’il eut donné une conférence anticulte à l’Université du Bénin. Il avait à cette occasion condamné les activités de cultes et critiqué la force policière et le gouvernement qui ne traduisent pas en justice les auteurs de crimes graves. La SSR a conclu que le demandeur d’asile craignait en réalité des activités criminelles. De l’avis de la Cour, c’est à tort que la SSR a conclu à l’absence de lien, car les critiques du demandeur d’asile visaient la police et le gouvernement.

Dans l’affaire Yoli, Hernan Dario c. M.C.I. (C.F. 1re inst., IMM-399-02), Rouleau, 30 décembre 2002; 2002 CFPI 1329, para 41, la Cour a souscrit à l’avis de la SSR, à savoir que le demandeur d’asile avait été menacé par le club « Boca » (club de partisans de soccer impliqués dans des activités criminelles) après qu’il eut refusé de participer aux activités criminelles du club et qu’il se fut dissocié du groupe, non pas à cause de ses opinions politiques, mais en raison de la possibilité qu’il révèle des éléments de preuve concernant l’identité des membres et leurs activités criminelles aux autorités.

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Note 86

Ward, supra note 1, à 750, où la Cour a statué que le fait pour une personne d’être en dissentiment avec une organisation ne lui permettra pas toujours de chercher asile au Canada; le désaccord doit être fondé sur une conviction politique.

Dans l’affaire Suarez, Jairo Arango c. M.C.I. (C.F. 1re inst., IMM-3246-95), Reed, 29 juillet 1996, la Cour a conclu que le fait de dénoncer des caïds de la drogue n’avait aucune teneur ou motivation politique. Le demandeur d’asile s’opposait aux activités criminelles.

Voir aussi la décision Marvin, Mejia Espinoza c. M.C.I. (C.F. 1re inst., IMM-5033-93), Joyal, 10 janvier 1995, para 16, dans laquelle les activités de trafic de drogue dont le demandeur a été témoin et qu’il a signalées impliquaient certains agents des forces de sécurité et des membres du gouvernement. La Cour a conclu que, même si le fait de dénoncer des trafiquants de drogue aux autorités costaricaines montrait l’intégrité du demandeur, ce n’était pas l’expression d’une opinion politique; cela concernait plutôt la nature criminelle des activités.

Dans l’affaire Neri, Juan Carlos Herrera c. M.C.I. (C.F., IMM-9988-12), Strickland, 23 octobre 2013; 2013 CF 1087, le demandeur d’asile principal a appelé la police après avoir entendu des coups de feu. Lorsque les policiers sont arrivés, il s’est plaint du fait que cela leur avait pris du temps. Il a également accordé une entrevue à un reporter dans laquelle il a manifesté de nouveau son insatisfaction relativement au temps que la police avait mis à réagir. Il a demandé la protection puisque, en appelant la police, en parlant aux policiers et en donnant une entrevue à un reporter, il a effectué une série d’actions qui faisaient connaître aux membres du crime organisé son « opinion politique présumée "pro loi et anti corruption" ». Le demandeur d’asile soutient aussi qu’en alertant la police, il déclarait en fait un crime, ce qui, étant donné la criminalité omniprésente au Mexique, doit être considéré comme un acte ou une déclaration politique. La SPR a conclu que la crainte de vengeance de la part de criminels parce que le demandeur d’asile avait parlé à la police de l’échange de coups de feu qu’il avait entendu n’avait aucun lien avec l’un des motifs prévus par la Convention. La Cour était d’accord, concluant que, contrairement à la situation en cause dans la décision Klinko, le demandeur d’asile n’avait pas l’intention de poser un geste politique ou de formuler une déclaration politique visant à dénoncer formellement la corruption de fonctionnaires de l’État. Sa plainte visait plutôt la réaction trop lente de la police par suite de son appel. Cette action, à elle seule, ne suffit pas à démontrer l’existence de convictions politiques.

Dans l’affaire Lai, Cheong Sing c. M.C.I. (CAF, A-191-04), Malone, Richard, Sharlow, 11 avril 2005; 2005 CAF 125, l’appelant a allégué que, en raison de son refus de participer à une intrigue politique, il a été faussement accusé par le gouvernement chinois de contrebande et de corruption. La Cour a approuvé la Commission d’avoir conclu qu’il n’y avait pas de lien entre les crimes allégués et un objectif politique; l’objectif du demandeur d’asile était plutôt le bénéfice personnel; si bien qu’on ne peut caractériser les crimes de crimes politiques. La Cour a également rejeté l’argument des appelants selon lequel, lorsque l’État manipule pour des raisons politiques une poursuite potentielle, alors la personne visée par une telle poursuite peut être un réfugié du fait de ses opinions politiques. La Cour « dout[ait] sérieusement » que le motif des opinions politiques puisse être interprété de manière à inclure les opinions politiques du persécuteur à l’égard du demandeur d’asile.

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Note 87

Voir la décision Klinko (C.A.F.), supra, note 46. La décision de la CAF a été rendue en 2000, mais un certain nombre d’affaires antérieures ont été tranchées selon le même raisonnement. Dans l’affaire Berrueta, supra note 67, para 5, le demandeur d’asile avait dénoncé des seigneurs du cartel de la drogue au Vénézuéla, et la SSR avait conclu que cela ne constituait pas l’expression d’une opinion politique. Toutefois, la Cour a annulé la décision, déclarant que, lorsque la corruption est monnaie courante dans tout le pays, dénoncer la corruption équivalait à ébranler l’autorité même du gouvernement.

Voir aussi l’affaire Bohorquez, Gabriel Enriquez c. M.C.I. (C.F. 1re inst., IMM-7078-93), McGillis, 6 octobre 1994, où le demandeur d’asile a été autorisé par le gouvernement central à établir une coopérative en vue d’une réforme sociale et politique, coopérative qui amassait des fonds en vendant des billets de loterie. Lorsqu’il s’est opposé à la création d’une loterie d’État, qui aurait fonctionné comme un monopole, il a reçu des menaces de la part de fonctionnaires corrompus. La Cour a statué que l’opposition du demandeur d’asile à la loterie mettait en question les intérêts politiques acquis dans le pays et que la Commission avait commis une erreur lorsqu’elle n’avait pas tenu compte des éléments de preuve concernant la demande d’asile présentée pour des motifs liés aux opinions politiques.

Voir aussi l’affaire Vassiliev, Anatoli Fedorov c. M.C.I. (C.F. 1re inst., IMM-3443-96), Muldoon, 4 juillet 1997, où le demandeur d’asile a refusé de participer à des activités de corruption entre des gens d’affaires et des fonctionnaires. Déclarant que, même si le fait de s’opposer à une activité criminelle en soi, ce n’est pas exprimer une idée politique, dans les cas où les activités criminelles sont répandues dans tout l’appareil étatique, s’opposer aux actes criminels, c’est s’opposer aux autorités étatiques, la Cour a conclu qu’en refusant de transmettre des pots-de-vin à des représentants du gouvernement russe et de blanchir de l’argent, le demandeur d’asile avait exprimé des opinions politiques.

Voir aussi l’affaire Mehrabani, Paryoosh Solhjou c. M.C.I. (C.F. 1re inst., IMM-1798-97), Rothstein, 3 avril 1998, où la Cour a maintenu la conclusion de la SSR selon laquelle la crainte qu’avait le demandeur d’asile des auteurs de malversations, qui étaient haut placés, qu’il avait dénoncés et contre lesquels il avait témoigné en cour, ne constituait pas une opinion politique. Dénoncer la corruption n’était pas considéré comme une contestation du pouvoir gouvernemental étant donné que l’État (Iran) avait pris des mesures sévères à l’endroit de certains des fonctionnaires corrompus.

Dans l’affaire Murillo Garcia, Orlando Danilo c. M.C.I. (C.F. 1re inst., IMM-1792-98), Tremblay-Lamer, 4 mars 1999, le demandeur d’asile a été témoin de meurtres commis par des agents gouvernementaux et les a signalés. Après avoir examiné la preuve documentaire, la Cour a conclu qu’aucun élément de preuve ne laissait entendre qu’il était possible d’imputer des opinions politiques du seul fait d’être témoin d’un crime et de le signaler. En fait, la preuve montrait que le gouvernement n’entérinait pas de tels actes, puisque les agents qui ont commis les gestes ont été poursuivis devant les tribunaux.

Dans l’affaire Palomares, Dalia Maria Vieras c. M.C.I. (C.F. 1re inst., IMM-933-99), Pelletier, 2 juin 2000, para 15, le juge Pelletier fait valoir ce qui suit : « Même si des membres de l’appareil étatique sont en cause, le dépôt d’une plainte ne constitue pas nécessairement une action politique, et cela ne veut pas dire non plus qu’ils considéreront la plainte comme une action politique. »

Dans l’affaire Kouril, Zdenek c. M.C.I. (C.F. 1re inst., IMM-2627-02), Pinard, 13 juin 2003; 2003 CFPI 728, la Cour a fait une distinction avec la décision Klinko au motif que dans cette affaire, l’opinion politique exprimée consistait en la dénonciation de la corruption de représentants de l’État, alors qu’en l’espèce, le demandeur d’asile s’était plaint d’actes commis par un groupe de simples citoyens qui ont sciemment désobéi à la loi. Même selon la définition large de l’arrêt Ward de l’opinion politique, la plainte portée par le demandeur d’asile ne pouvait pas constituer l’expression d’une opinion politique, en particulier compte tenu de la preuve soumise à la Commission selon laquelle la corruption n’était pas endémique en République tchèque.

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Note 88

Dans l’arrêt Ward, supra note 1, à 745, la Cour a statué que le demandeur d’asile ne faisait pas partie d’un groupe social, car il faisait plutôt l’objet d’un type de persécution fort individualisé à cause de ce qu’il faisait à titre individuel et non des caractéristiques d’un groupe ou de son association. Le même raisonnement a été suivi dans la décision Suarez, supra, note 85, et dans une affaire semblable, Munoz, Tarquino Oswaldo Padron c. M.C.I. (C.F. 1re inst., IMM-1884-95), McKeown, 22 février 1996, para 3 et 7, où la Cour a soutenu qu’il était raisonnable pour la SSR de conclure que le fait de mettre à jour la corruption est une entreprise digne d’éloges, mais qui n’est pas essentielle à la dignité humaine du demandeur d’asile et qui, par conséquent, ne crée pas un groupe social. Voir également les affaires Mason, supra note 36; et Soberanis, Enrique Samayoa c. M.C.I. (C.F. 1re inst., IMM-401-96), Tremblay-Lamer, 8 octobre 1996, où la Cour a considéré que les « petits entrepreneurs victimes d’extorqueurs qui agissent de concert avec les autorités policières » ne constituaient pas un groupe social.

Dans l’affaire Valderrama, Liz Garcia c. M.C.I. (C.F. 1re inst., IMM-444-98), Reed, 5 août 1998, le conseil avait défini le groupe social auquel appartenait le demandeur d’asile comme celui des « hommes d’affaires prospères opposés à la corruption et refusant de verser des pots-de-vin ». Les faits ont démontré que ce sont les « hommes d’affaires prospères » qui sont pris pour cibles, sans égard au fait qu’ils s’opposent à la corruption. Après avoir examiné les arrêts Ward et Chan, la Cour a statué qu’il n’y avait aucun lien entre la catégorie des personnes prises pour cible et un groupe social au sens de la Convention.

Voir aussi l’affaire Lozano Navarro, Victor c. M.C.I. (C.F., IMM-5598-10), Near, 24 juin 2011; 2011 CF 768, où la Cour était d’accord avec la SPR pour rejeter l’argument des demandeurs d’asile selon lequel le fait de dénoncer aux autorités le cartel qui les extorque et de refuser de collaborer avec lui constitue une partie immuable du passé des demandeurs d’asile, de sorte qu’ils appartiennent à la troisième catégorie de groupe social établie dans l’arrêt Ward.

Voir aussi la décision Palomares, supra note 86, para 12, où la Cour a soutenu que la demandeure d’asile, qui a été témoin d’un meurtre, était en danger non pas en raison de son appartenance à un groupe social, mais à cause d’une caractéristique fort personnelle, à savoir sa capacité de témoigner, qui pourrait donner lieu à des poursuites.

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Note 89

Lezama, Orlando Rangel c. M.C.I. (C.F., IMM-3396-09), Russell, 11 août 2011; 2011 CF 986, au para 54.

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Note 90

Klinko, (C.A.F.), supra note 46.

Dans l’affaire Cen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1996] 1 C.F. 310 (1re inst.), la demandeure d’asile a été agressée sexuellement par des fonctionnaires corrompus. La Cour a jugé que la demandeure d’asile appartenait à un groupe social, à savoir les femmes victimes d’exploitation et de violation de la sécurité de leur personne.

Dans l’affaire Reynoso, supra note 59, la demandeure d’asile était la cible d’un maire corrompu parce qu’elle avait découvert les activités illégales de ce dernier. La Cour a statué que la connaissance de la demandeure d’asile des actes de corruption du maire était une caractéristique immuable qui la plaçait dans la première catégorie de groupe social établie dans l’arrêt Ward.

Dans l’affaire Pardo Quitian, supra note 6, para 50-54, un témoignage non contesté indiquait qu’une organisation criminelle était à la recherche du frère de la demandeure en raison de son engagement politique antérieur, de sorte que la demande d’asile de cette dernière était en partie fondée sur une opinion politique présumée.

Pour des affaires où l’opposition à la corruption a été considérée comme une opinion politique, voir les décisions Berrueta, supra notes 67 et 84; et Bohorquez, supra note 86.

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Note 91

Cius, Ligene c. M.C.I., supra, note 55. Le demandeur d’asile était perçu comme riche parce qu’il revenait en Haïti après un séjour à l’étranger.

Dans l’affaire Navaneethan, Kalista c. M.C.I. (C.F., IMM-51-14), Strickland, 21 mai 2015; 2015 CF 664, para 53, la Cour souligne qu’elle a toujours jugé que le fait pour une personne d’être considérée comme nantie n’en fait pas, en l’absence d’autres éléments, une personne appartenant à un groupe social. Dans cette affaire, le demandeur d’asile a allégué qu’il serait perçu comme nanti parce qu’il avait de la famille au Canada.

Il est important de faire preuve de prudence au moment d’appliquer l’affaire Cius, supra, qui concerne un demandeur d’asile qui retourne en Haïti après un séjour à l’étranger. La Cour affirme, para 21, que « les personnes qui retournent en Haïti après un séjour à l’étranger ne constituent pas un groupe social au sens de l’article 96 de la Loi », mais voir l’affaire Ocean, Marie Nicole c. M.C.I., (C.F., IMM-5528-10), Lemieux, 29 juin 2011; 2011 CF 796, où la personne qui revenait de l’étranger était une femme qui alléguait une crainte de persécution fondée sur le sexe. La Cour a confirmé le rejet de sa demande d’asile par la SPR parce que le témoignage de la demandeure d’asile établissait clairement que le motif de sa crainte était différent de celui d’une crainte de persécution du fait qu’elle appartenait à un groupe social, soit celui des « femmes haïtiennes retournant au pays après une longue absence craignant le viol en raison de leur sexe » (au para 18).

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Note 92

Soimin, Ruth c. M.C.I. (C.F., IMM-3470-08), Lagacé, 4 mars 2009; 2009 CF 218.

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Note 93

Dezameau, Elmancia c. M.C.I. (C.F., IMM-4396-09), Pinard, 27 mai 2010; 2010 CF 559.

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Note 94

Josile, Duleine c. M.C.I. (C.F., IMM-3623-10, Martineau, 17 janvier 2011; 2011 CF 39.

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Note 95

R. c. Osolin [1993] 4 R.C.S. 595; R. c. Seaboyer [1991] 2 R.C.S. 577; R. c. Lavalle [1990] 1 R.C.S. 582. Dans l’affaire Belle, Asriel Asher c. M.C.I. (C.F., IMM-5427-11), Mandamin, 10 octobre 2012; 2012 CF 1181, la Cour, s’appuyant sur la décision Osolin, a conclu que la SPR avait commis une erreur en jugeant que l’agression sexuelle subie par la demanderesse mineure n’était pas une violence fondée sur le sexe du simple fait qu’il s’agissait de représailles perpétrées par un membre du gang dans un contexte autre qu’une relation familiale​.

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Note 96

Par exemple, dans la décision Nel, Charl Willem c. M.C.I. (C.F., IMM-4601-13), O’Keefe, 4 septembre 2014; 2014 CF 842, la Cour a souligné que le viol ne devient pas un crime non sexiste simplement parce que tous les habitants d’un pays risquent d’être exposés à d’autres types de violence.

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Note 97

Mancia, Veronica Margarita Santos c. M.C.I. (C.F., IMM-148-11), Snider, 28 juillet 2011; 2011 CF 949. La Cour donne un exemple : « si […] ses agresseurs l’avaient volée et agressée, elle devrait convaincre la Cour que le vol n’en était pas le véritable motif. Sinon, si un homme se retrouvait dans la même situation qu’elle, il n’aurait pas droit à la protection (même si, lui aussi, avait été violé), tout en étant exposé au même risque d’agression. » Il importe toutefois de souligner que la demande d’asile pour laquelle la Cour a confirmé la décision de la Commission n’était pas fondée sur le sexe. Il ressortait de la preuve et du témoignage présenté de vive voix de la demandeure d’asile qu’elle était prise pour cible en raison de sa relation avec son frère et que les membres du gang MS-18 ciblaient son frère parce qu’il était perçu comme une personne nantie.

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Note 98

Salibian c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1990] 3 C.F. 250 (C.A.).

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Note 99

Salibian, supra note 98, juge d’appel Décary.

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Note 100

Salibian, supra note 98, juge d’appel Décary; Hathaway, James C., The Law of Refugee Status [le droit en matière d’asile], (Toronto: Butterworths, 1991), p. 97.

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Note 101

Rizkallah, Bader Fouad c. M.E.I. (C.A.F., A-606-90), Marceau, MacGuigan, Desjardins, 6 mai 1992. Décision publiée : Rizkallah c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1992), 156 N.R. 1 (C.A.F.).

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Note 102

Rizkallah, supra note 101, juge d’appel MacGuigan.

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Note 103

Abdulle, Sadia Mohamed c. M.E.I. (C.F. 1re inst., A-1440-92), Nadon, 16 septembre 1993. Hassan, Jamila Mahdi c. M.E.I. (C.A.F., A-757-91), Isaac, Marceau, McDonald, 25 août 1994. Décision publiée : Hassan c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1994), 174 N.R. 74 (C.A.F.). Dans Subramaniam, Suresh c. M.C.I. (C.F., IMM 5129-04), O’Reilly, 12 mai 2005; 2005 CF 684, para 7, la Cour avait conclu que le demandeur d’asile était un Tamoul du Nord du Sri Lanka, mais que cela ne suffisait pas, en soi, à établir le bien-fondé de sa crainte de persécution.

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Note 104

Directives intitulées Civils non combattants qui craignent d’être persécutés dans des situations de guerre civile, données par le président de la CISR le 7 mars 1996, en application du paragraphe 65(3) de la Loi sur l’immigration, et prorogées par le président le 28 juin 2002 en vertu de l’alinéa 159(1)h) de la LIPR.

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Note 105

Le cas le plus évident où une méthode comparative a été adoptée est peut-être la décision Isa, Sharmarka Ahmed c. S.E.C. (C.F. 1re inst., IMM-1760-94), Reed, 16 février 1995.

Les guerres civiles sont pour la plupart, sinon toutes, causées par un conflit racial ou ethnique. Si les attaques motivées par la haine raciale dans une situation de guerre civile devaient constituer un motif de revendication du statut de réfugié, il s'ensuivrait que tous les individus appartenant à l'un et l'autre camp se qualifient comme réfugiés. Le passage [du paragraphe 164] du Guide des Nations Unies [...] que cite la Commission indique que tel n'est pas l'objectif de la Convention de 1951.

La décision Isaa été citée avec approbation dans l'affaire Ali, Farhan Omar c. M.C.I. (C.F. 1re inst., A‑1652‑92), McKeown, 26 juin 1995. Le juge McKeown n'a fait référence à aucun passage en particulier de cette décision. 

Dans l'affaire Ali, Shaysta-Ameer c. M.C.I. (C.F. 1re inst., IMM-3404-95), McKeown, 30 octobre 1996. Décision publiée : Ali c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1996), 36 Imm. L.R. (2e) 34 (C.F. 1re inst.), la Section de première instance a certifié la question suivante : « Des demandeurs du statut de réfugié sont-ils exclus de l'application de la définition de réfugié au sens de la Convention si, dans leur pays, tous les groupes, dont celui auquel ils appartiennent, sont à la fois victimes et coupables de violations des droits de la personne dans le contexte d'une guerre civile? » Voir infra note 110.

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Note 106

Exiger d'un demandeur d'asile qu'il vive une situation plus difficile peut signifier plusieurs choses. Par exemple, pour avoir gain de cause, le demandeur d'asile pourrait être obligé de démontrer i) que les risques qu'il court sont plus grands que ceux que courent les personnes appartenant à d'autres groupes; ii) que les risques qu'il court sont plus grands que ceux d'autres personnes appartenant à son groupe; iii) que le préjudice qu'il risque de subir est plus grave que celui qui menace d'autres personnes.

En ce qui concerne le point i), voir Siad, Dahabo Jama c. M.E.I. (C.F.1re inst., 92-A-6820), Rothstein, 13 avril 1993. Décision publiée : Siad c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 21 Imm. L.R. (2e) 6 (C.F. 1re inst.); et Omar, Suleiman Ahmed c. M.C.I. (C.F. 1re inst., A-1615-92), McKeown, 7 février 1996.  En ce qui concerne le point ii), voir Hassan, supra note 103.

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Note 107

Le groupe du demandeur d’asile doit pouvoir être défini suivant la Convention.

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Note 108

Dans l'arrêt Salibian, supra note 98, il est souligné qu'il peut y avoir un lien dans une situation de guerre civile. On peut considérer que Rizkallah, supra note 101, ne fait que rappeler qu'il est également possible qu'aucun lien de ce genre n'existe dans une telle situation. La simple instabilité politique ne prouve pas l'existence d'une crainte fondée de persécution : Del Busto Ezeta, Octavio Alberto c. M.C.I. (C.F. 1re inst., IMM-2021-95), Cullen, 15 février 1996, où la Cour a dit que les problèmes du demandeur d'asile n'étaient pas liés à un motif énoncé dans la Convention, mais qu'ils étaient plutôt le résultat du climat politique instable et dangereux qui régnait au Pérou. Dans Khalib, Amina Ahmed c. M.E.I. (C.F. 1re inst., A-656-92), MacKay, 30 mars 1994. Décision publiée : Khalib c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1994), 24 Imm. (2e) 149 (C.F. 1re inst.), l'ancien gouvernement somalien avait posé, dans l'intention semble-t-il de blesser les Issaqs, des mines dans la région où habitaient les demandeurs d'asile et où vivaient surtout des membres du clan Issaq comme eux. Un grand nombre de ces mines n'ont pas été enlevées, et les demandeurs d'asile craignaient d'être blessés. La Section du statut de réfugié a conclu que le danger que couraient les demandeurs d'asile était le même que celui auquel toutes les personnes de la région devaient faire face, sans distinction. En confirmant cette décision, la Cour a souligné que, bien que les Issaqs forment la majorité des habitants de la région, toutes les personnes y habitant couraient le même danger.

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Note 109

Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, le juge La Forest : « Les circonstances devraient être examinées du point de vue du persécuteur, puisque c’est ce qui est déterminant lorsqu’il s’agit d’inciter à la persécution. »

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Note 110

Ali, Shaysta-Ameer c. M.C.I. (C.A.F, A-772-96), Décary, Stone, Strayer, 12 janvier 1999.

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Note 111

Supra note 104.

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Note 112

Fi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2007] 3 R.C.F. 400; 2006 CF 1125, para 19.

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Note 113

Bhatti, Naushaba c. S.E.C. (C.F. 1re inst., A-89-93), Jerome, 14 septembre 1993. Décision publiée : Bhatti c. Canada (Secrétaire d’État), (1994), 25 Imm. L.R. (2e) 275 (C.F. 1re inst.), à 278-279.

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Note 114

Pour-Shariati c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1995] 1 C.F. 767 (1re inst.). Le juge Rothstein a certifié une question quant à savoir si la persécution indirecte peut servir de fondement à une demande d’asile.

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Note 115

Casetellanos c. Canada (Solliciteur général), [1995] 2 C.F. 190 (1re inst.).

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Note 116

Casetellanos, ibid. Par ailleurs, dans Nina, Razvan c. M.C.I. (C.F. 1re inst., A‑725-92), Cullen, 24 novembre 1994, la Cour semble avoir considéré que le mauvais traitement de l'enfant, dont l'enlèvement avait pour but d'exercer des pressions sur le père, constituait un acte de persécution contre ce dernier. Dans la décision Hashmat, Suhil c. M.C.I. (C.F. 1re inst., IMM-2331-96), Teitelbaum, 9 mai 1997, le juge Teitelbaum a fait remarquer que le principe de la persécution indirecte avait été rejeté dans des décisions antérieures. Il a toutefois précisé que, lorsque la Section du statut de réfugié examinait la question distincte de savoir si le demandeur d'asile pouvait s'exposer à des épreuves indues en se rendant à l'endroit offrant une possibilité de refuge intérieur (cette question est une sous-question du volet « caractère raisonnable » du critère de la possibilité de refuge intérieur), il faut tenir compte des difficultés auxquelles pourront s'exposer l'épouse et sa fille l'accompagnant au cours de son voyage : page 5. Dans deux affaires de possibilité de refuge intérieur touchant le Sri Lanka, la question de la persécution indirecte a été examinée. Dans l'affaire Jeyarajah, Vijayamalini c. M.C.I. (C. F. 1re inst., IMM-2473-98), Denault, 17 mars 1999, il a été souligné qu'une personne n'est pas un réfugié uniquement parce qu'un membre de sa famille (époux) est persécuté. Cependant, dans l'affaire Shen, Zhi Ming c. M.C.I. (C.F., IMM-313-03), Kelen, 15 août 2003; 2003 CF 983, la Cour a conclu que les parents seraient les victimes directes de toute persécution infligée en Chine à leur deuxième enfant né au Canada et qu'il ne s'agissait donc pas de « persécution indirecte ». Par contre, dans la décision Dombele, Adelina c. M.C.I. (C.F. 1re inst., IMM-988-02), Gauthier, 26 février 2003; 2003 CFPI 247, la SSR a conclu que l'époux de la demandeure d'asile avait qualité de réfugié, mais pas la demandeure d'asile ni ses filles. La Cour a entériné la conclusion du tribunal selon laquelle la persécution dont était victime l'époux de la demandeure d'asile et qui pouvait toucher la demandeure d'asile et ses filles constituait de la persécution indirecte et ne pouvait être assimilée à de la persécution au sens de la Convention (voir Pour-Shariati).

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Note 117

Pour-Shariati, Dolat c. M.E.I. (C.A.F., A-721-94), MacGuigan, Robertson, McDonald, 10 juin 1997. Décision publiée : Pour-Shariati c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1997), 39 Imm. L.R. (2e) 103 (C.A.F.); confirmant [1995] 1 C.F. 767 (1re inst.).

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Note 118

L'affaire Tomov, Nikolay Harabam c. M.C.I. (C.F., IMM-10058-04), Mosley, 9 novembre 2005; 2005 CF 1527 constitue un cas approprié à cet égard. La Cour soutenait qu'il n'était pas suffisant de faire valoir la persécution subie par des membres de la famille s'il était peu probable que le demandeur d'asile soit directement touché. En l'espèce, toutefois, la Cour a conclu que, en raison de sa relation avec sa conjointe de fait rom, le demandeur d'asile était lui-même menacé, tant et aussi longtemps qu'il poursuivait sa relation conjugale avec sa conjointe.

Voir aussi la décision Iraqi c. M.C.I.,2019 CF 1049. Dans cette affaire, les demandeurs étaient des Palestiniens apatrides dont l'ancien pays de résidence habituelle était les Émirats arabes unis. Le père avait été expulsé des Émirats arabes unis, et les demandeurs affirmaient qu'il s'agissait de persécution indirecte. La Cour a rejeté cet argument, déclarant que les personnes qui demandent l'asile doivent craindre avec raison d'être persécutées, et non simplement être malgré elles témoins de persécution exercée contre d'autres personnes.

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Note 119

Cetinkaya, Lukman c. M.C.I. (C. F. 1re inst., IMM-2559-97), Muldoon, 31 juillet 1998.

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Note 120

On peut aussi faire une distinction entre une demande d'asile fondée sur la persécution indirecte et une demande d'asile fondée sur la persécution (directe) du fait de l'appartenance à un groupe social, ce groupe étant une famille. Dans la décision Kaprolova, Elena c. M.C.I. (C.F. 1re inst., IMM-388-97), Teitelbaum, 25 septembre 1997, la demande de contrôle judiciaire a été accueillie, parce que la SSR avait confondu une demande d'asile fondée sur l'appartenance à un groupe social avec une demande d'asile fondée sur la persécution indirecte. Dans la décision Ndegwa, Joshua Kamau c. M.C.I. (C.F., IMM-6058-05), Mosley, 5 juillet 2006; 2006 CF 847, la Cour a établi que la Commission avait commis une erreur en traitant le cas comme une affaire de persécution indirecte. Le demandeur d'asile n'assistait pas seulement contre son gré à des actes de violence dirigés contre d'autres membres de sa famille. Le demandeur d'asile risquait d'être persécuté lui‑même en raison de son appartenance à la famille. Voir aussi la section 4.5 du chapitre 4.

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Note 121

Pour-Shariati, supra note 117; Casetellanos, supra note 115; et Dawlatly, George Elias George c. M.C.I. (C.F. 1re inst., IMM-3607-97), Tremblay-Lamer, 16 juin 1998. Dans l'affaire Shaikh, Sarwar c. M.C.I. (C. F. 1re inst., IMM-2489-98), Tremblay-Lamer, 5 mars 1999, la Cour a suivi la décision Dawlatly et statué que le principe de l'unité de la famille n'a pas été incorporé dans la définition de réfugié au sens de la Convention. La Loi sur l'immigration prévoit d'autres moyens, comme le paragraphe 46.04(1), pour permettre aux personnes à charge d'un réfugié au sens de la Convention d'obtenir la résidence permanente. Voir aussi la décision Serrano, Roberto Flores c. M.C.I. (C. F. 1re inst., IMM-2787-98), Sharlow, 27 avril 1999, où il a été conclu qu'un lien familial n'est pas une caractéristique qui requiert la protection de la Convention, en l'absence d'un motif sous-jacent, énoncé dans la Convention, pour la persécution présumée.

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Note 122

Akinfolajimi, Adebimpe Joyce c. M.C.I. (C. F., IMM-5067-17), Gleeson, 12 juillet 2018; 2018 CF 722. Voir aussi la décision Douillard, Kerlange c. M.C.I. (C.F., IMM-4443-18), LeBlanc, 29 mars 2019; 2019 CF 390, et la décision Eustache, Julyssa Ann Lynn c. M.C.I., 2020 CF 1140.

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Note 123

Chavez Carrillo, Diego Antonio c. M.C.I. (C.F, IMM-3170-12), Noël, 22 octobre 2012; 2012 CF 1228. Voir aussi El Achkar, Nasri Ibrahim c. M.C.I. (C.F., IMM-5768-12), Strickland, 6 mai 2013; 2013 CF 472, où la Cour a souligné que la persécution d’un membre de la famille ne donne pas automatiquement le droit à un statut de réfugié à tous les autres membres de la famille.

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Note 124

Gribovskaia, Elena c. M.C.I. (C.F., IMM-5848-04), Rouleau, 11 juillet 2005; 2005 CF 956.

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